Bonne Gemapi !
En ce début d’année 2018, c’est une des nouveautés : la Gemapi est entrée en vigueur ! Elle découle d’une préoccupation majeure : l’EAU, et d’une logique de proximité des territoires.
Donc GeMA pour Gestion des Milieux Aquatiques et PI pour la Prévention Inondation, soit 2 objectifs à distinguer, mais qui sont en fait indissociables et s’articulent sur 4 principes :
– l’aménagement des bassins et sous-bassins hydrographiques ;
– l’entretien des cours d’eau, canaux, lacs et plans d’eau ;
– la défense contre les inondations et la mer (digue) ;
– la protection et la restauration des écosystèmes aquatiques.
“La compétence GEMAPI répond à un besoin de replacer la gestion des cours d’eau au sein des réflexions sur l’aménagement du territoire.”
C’est ce qu’on peut lire dans l’introduction de la petite brochure “Tout savoir sur la Gemapi” éditée par le Ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer.
[Mais encore ?]
La Gemapi est une super compétence recalibrée à l’échelle du bassin versant pour une meilleure cohérence de la gestion du cycle de l’Eau, une ressource vitale dont la qualité connaît une dégradation continue de plus en plus préoccupante (pollution) et dont les effets face à l’urbanisation et au changement climatique sont également préoccupants (ruissellement, inondation, submersion marine, érosion des sols…).
Pour une action publique plus moderne, plus locale et plus simple (!), la réforme territoriale (loi NOTRe) a rendu la compétence relative à la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI) exclusive et obligatoire pour les communes.
Une compétence embarrassante
La réforme concentre, à l’échelle communale et intercommunale, des compétences existantes mais jusqu’à présent morcelées et facultatives. Pour autant la « Gemapi » n’est pas très appréciée par les élus qui la voient comme une épine dans le pied, en proportion avec leurs appétits de bâtisseurs. Jugée «inapplicable», elle suscite, non sans raison, de vives «inquiétudes sur les responsabilités et le financement» (autant le coût de restructuration administrative que l’équipement et l’entretien des ouvrages à assumer dorénavant).
“Elle est vite devenue un sujet de discorde, les élus locaux et intercommunaux n’étant guère empressés d’assumer la « gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations ».
Lire “La Gemapi n’est plus si imbuvable.”
article paru dans La Gazette des communes, le 09/07/2015
Ce blocage des élus locaux a mené la Gemapi à être successivement reportée, renvoyée en commission, amendée, assouplie, jusqu’à sa version définitive adoptée in extremis le 21 décembre dernier.
Le mot «compétence» est d’ailleurs presque un faux-ami puisqu’une des principales problématiques de ce transfert de responsabilité aux collectivités territoriales est justement que les savoir-faire “ensemble”, les ententes et interdépendances sur le terrain dans ce nouveau format ne sont pas forcément acquis. Si l’échelle du bassin versant semble une bonne chose, le changement d’organisation qui en résulte ne va pas de soi, loin de là ! Pour faire face à cette nouvelle charge, les collectivités peuvent transférer la compétence, tout ou partie, à un syndicat ou un EPAGE (1) et bénéficient d’un calendrier échelonné jusqu’à 2020 pour remanier les structures existantes pendant une période transitoire.
Cet échelonnage permet de clarifier les statuts des structures compétentes, et surtout de réaliser un diagnostic du territoire. D’ici là, la responsabilité des EPCi restera limitée à la seule organisation de la compétence entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2019. Cela «permettra ainsi à chaque territoire de préparer au mieux le transfert de Gemapi compte tenu de la complexité des organisations à imaginer».
Parallèlement, le transfert des compétences Eau et Assainissement aux EPCI toujours par la loi NOTRe (initialement prévu au plus tard le 1er janvier 2020 et finalement lui aussi reporté en 2026), complète le regroupement des compétences dans le domaine de l’eau. Par exemple, pour la communauté d’aglo Sud Sainte Baume, il va s’agir pour commencer de mettre en cohérence les échéances des différentes délégations de services publics (la zone de Signes, le SIVU, le syndicat mixte de Bandol-Sanary) et régies des 9 communes avant le regroupement en un seul mode de gestion uniformisé selon Gemapi. ne prise de compétence anticipée en janvier 2019 a été votée par le conseil communautaire. Un état des lieux, commandée au Cabinet Merlin, est déjà en cours.
Cas particulier des eaux pluviales et de ruissellement urbain
On peut s’étonner que la maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement (qui correspond à la mission de l’alinéa 4 de l’article L.211-7 du code de l’environnement) ne soit pas directement intégrée au bloc de compétence Gemapi et reste donc partagée entre les différents échelons de collectivités territoriales. On retrouve en fait cet alinéa 4 dans le bloc de compétence dit Hors-Gemapi, en tant que “compétence supplémentaire”, en considération des causes à effets implicites : les eaux pluviales sont accrues par le volume des eaux de ruissellement. Les capacités des réseaux devenant insuffisantes, ils débordent et participent au risque inondation (alinea 5 intégré, voir le schéma ci-dessous). Les apports d’eau sont chargés de matières en suspension ou organiques. Ils génèrent alors une dégradation du milieu (alinea 8 intégré), ce qui justifie leur prise en compte de manière sous-entendue. Par ailleurs, les eaux pluviales sont intégrées dans la compétence Eau et Assainissement de manière indivisible avec l’assainissement collectif et l’assainissement non collectif.
[Ça va ? tout le monde suit ?]
Concernant cette compétence en trame de fond, un rapport ministériel est d’ors-et-déjà attendu dans les 2 mois qui portera explicitement sur la “maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement aux fins de prévention des inondations”.
Il s’agira justement dans ce document de “clarifier l’articulation entre la mission de maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement et de lutte contre l’érosion des sols mentionnée au 4° du I de l’article L. 211-7 du code de l’environnement, le service public administratif de gestion des eaux pluviales urbaines mentionné à l’article L. 2226-1 du code général des collectivités territoriales, et la compétence en matière d’assainissement mentionnée à l’article L. 2224-8 du même code” et d’“améliorer le financement des opérations et équipements concourant à la prévention des inondations par la maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement”. Mais ce sujet étant lié à la compétence Assainissement, il nécessitera un texte de loi spécifique. [A suivre donc…]
Concrètement,
pour ce qui nous intéresse en tant que commune littorale, cela signifie notamment que les digues et autres ouvrages de défense contre les inondations et submersions seront à la charge des communes ou EPCI (la CASSB dans notre cas).
“Il s’agit d’entretenir ou de construire des barrages, des berges et des digues le long des rivières et du littoral, gérer les sédiments, les zones de rétention, et assurer la protection des zones humides, etc. Le ministère de l’Ecologie estime entre 3.000 et 4.000 kilomètres le linéaire des digues qui tombe sous la férule de Gemapi.”
Actuellement à Bandol,
• la digue du parking du Casino est en cours de consolidation jusqu’à fin janvier. Prévus depuis 2014, ces travaux entrent typiquement dans le cadre Gemapi. Le confortement de la digue prévoit une base plus large de l’ouvrage, un recul stratégique du terre-plein avec la suppression de 44 places de parking, et une surélévation partielle de 1m d’enrochement. Un mur de pierre de 2m occultera l’horizon pour préserver les véhicules des largades sur cette aire de stationnement gagnée sur la mer, et systématiquement inondée chaque saison. Planifiés après 2020, les 330.000 euros de budget auraient été à la charge de l’intercommunalité.
• Le grand projet municipal du quai de Gaulle, dont le démarrage était prévu en Mars 2018, est reporté pour finalement prendre en compte les études hydrauliques. Depuis plus de 30 ans (2) le réseau d’assainissement subit régulièrement des recalibrages ou des mises en continuité au coup par coup qui ne suffisent pas à compenser l’imperméabilisation grandissante de la zone urbaine et les rues sont régulièrement inondées. Les études se succèdent sans révision globale du réseau. Les zones prévues pour des bassins de rétention ont fait place au fil du temps à de nouvelles constructions qui ont augmenté les surfaces imperméables au lieu de contenir le ruissellement urbain ! Le projet de réfection du quai est très important pour la ville, non seulement en terme d’image mais surtout parce qu’en tant qu’interface terre-mer c’est l’opportunité d’une refonte du réseau pour garantir durablement la maitrise des eaux urbaines et le respect du milieu marin. Quelles articulations pourrait avoir ce chantier avec la Gemapi si les travaux sont achevés pour 2019 ? Comment se conformer à Gemapi avant même sa mise en place ?
• Dernièrement, la capitainerie a subi d’important dégâts avec la traine méditerranéenne de la tempête Ana qui s’est traduite par une forte largade en décembre 2017. La mairie a demandé la reconnaissance de catastrophe naturelle. Jusqu’à quand pourra-t-on parler de catastrophe naturelle pour des aléas réguliers et prévisibles auxquel la Gemapi est sensée apporter une réponse ?
À chaque épisode pluvieux, les effets sont (et seront de plus en plus) augmentés côté mer par l’élévation du niveau de la mer, et côté terre par le ruissellement des eaux de pluies qui ne sont plus absorbées par le sol bétonné. Les effets sont simplement mécaniques. Les solutions seraient simples en théorie mais vont exigées des moyens politiques et financiers à une nouvelle échelle de collaboration intercommunale.
Concrètement aussi,
la Gemapi se traduira donc par une taxe. La collectivité va voter un montant (et non un taux) plafonné à 40€ par habitant (apriori sous-entendu résidences principales ET résidences secondaires) ; Cette cagnotte virtuelle sera collectée en réalité par les impôts dont le montant correspondant sera réparti sur les 4 taxes : foncier bâti, foncier non bâti, Taxe d’Habitation (!) et Cotisation Foncière des Entreprises). En seront exonérés les organismes HLM et les SEM.
Pour en savoir plus et pour les plus courageux, une petite notice explicative > https://www.caliaconseil.fr/images/PDF/Note-explicative-Taxe_GEMAPI.pdf
Cette nouvelle prise en compte de l’eau dans la gestion locale devrait guider les élus à une politique plus vertueuse de l’environnement et du parcours de l’eau sur leur territoire. La baisse des dotations aux Agences de l’eau, régions et départements, et les financements plafonnés de la Gemapi vont certainement induire une vigilance nouvelle pour des projets d’envergure qui n’auraient pas d’enjeux prioritaires.
Cauchemar administratif pour les uns, panacée pour les autres, et certainement entre les deux dans la réalité, la Gemapi relève en tout les cas d’une logique à toute épreuve : moins on pollue, moins on a à dépolluer, et moins ça coûtera cher à la collectivité !
Un début d’année qui promet…
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(1) «Les communes ou EPCI peuvent transférer tout ou partie de cette compétence à des syndicats des groupements de collectivités, sous forme de syndicats mixtes (syndicats de rivière, EPTB, EPAGE…).» > http://www.lagazettedescommunes.com/454094/gemapi-les-principales-nouveautes-au-1er-janvier-2018/
Un EPAGE est un établissement public d’aménagement et de gestion des eaux. Un syndicat peut être labellisé EPAGE. A une échelle plus large, un EPTB est un établissement public territorial de bassin.
Les dernières moutures de la loi votée fin 2017 assouplissent ce transfert et donne la possibilité à un syndicat mixte ouvert d’adhérer à un autre syndicat mixte ouvert, par dérogation au droit en vigueur, et ce jusqu’au 31 décembre 2019. “A compter du 1er janvier 2020, la possibilité est réservée aux EPAGE d’adhérer à un EPTB. Cette disposition est destinée à faciliter l’exercice de la compétence GeMAPI”
(2) Une ancienne analyse des flux et réseaux hydrauliques datée de 1984, le schéma directeur d’assainissement du pluvial dit “Daragon” évaluant un calibrage du réseau intégrant le ruissellement, a été oublié dans les archives municipales pendant plus de 30 ans. Bien qu’étant désormais obsolètes, les données très complètes collectées par le rapport Daragon n’ont pas pu être prises en compte dans le PLU de 2013 qui s’est basé sur une étude plus récente (2) établie par le cabinet G2C Environnement en juin 1998 et sur les compléments réalisés par le cabinet Euryèce en mars 2005 pour le zonage d’assainissement.
Le zonage d’assainissement figurant au PLU de Bandol actuel date de 2006, et serait sensé comporter un volet «pluvial» (comme prévu à l’article L. 2224-10 du CGCT) qui n’existe pas. Là, devraient être identifiées les zones au sein desquelles doivent être adoptées des mesures visant à limiter l’imperméabilisation des sols et celles où il est nécessaire de prévoir des installations de collecte, de stockage et si besoin de traitement des eaux pluviales. C’est ce que nous avions demandé lors l’enquête publique de la dernière révision en 2016 pour une prise en compte et répartition pertinente de la politique d’augmentation des espaces verts, ainsi que la réalisation d’une nouvelle évaluation du ruissellement urbain.