Erosion à 2 vitesses dans le Var

Dans la famille Erosion, je voudrais les plages…

Au prochain conseil municipal de Bandol du 23 septembre 2022, le dernier point à l’ordre du jour portera sur le rapport d’activité 2021 du SCLV

Tel qu’il se définit lui-même sur son site « Le Syndicat des Communes du Littoral Varois regroupe 28 communes depuis 1922. Il a pour but d’étudier et de réaliser la protection, la mise en valeur et la défense des intérêts de la Côte d’Azur Varoise. »

Un mot qui fait toute la différence

Pour autant, il ne faut pas s’y tromper : malgré les termes employés de “protection”, “mise en valeur”, “défense”, ce n’est pas une asso “écolo”.
« Le Syndicat des Communes du Littoral Varois (SCLV) regroupe les maires et délégués de 28 communes qui travaillent ensemble sur l’étude, la protection, la mise en valeur et la défense des intérêts du littoral. Le SCLV se réunit régulièrement afin de résoudre les différents problèmes liés à l’érosion côtière, à la préservation du littoral en général mais aussi en vue de répondre aux diverses questions maritimes. »

6 ans d’engagement du SCLV contre l’érosion des plages

Depuis 2016, le Syndicat est particulièrement disert dans sa communication publique sur son engagement précurseur dans la lutte contre l’érosion des plages.

Evoquant un point sur la règlementation relative à l’érosion, un compte rendu de séance mentionnait en 2019 : “Malgré la nature des réponses apportées et des solutions à court terme, les communes n’échapperont pas à l’évolution du trait de côte”

Une problématique confirmée 3 ans plus tard par cet autre extrait de compte-rendu sur la prise en compte des risques littoraux (en février 2021) : 

« La nécessité de prendre en compte le risque de submersion marine va se faire de plus en plus cruciale dans les années et décennies à venir compte tenu de la forte attractivité des espaces littoraux et de l’accroissement attendu de la population vivant à proximité des côtes, alors que dans le même temps, le niveau de la mer et l’intensité des aléas marins devraient sensiblement augmenter en lien avec le changement climatique. Il est donc essentiel que les Maires et les élu(e)s du Syndicat des Communes du Littoral Varois restent résolument mobilisés aux côtés des populations littorales face aux risques majeurs qui inéluctablement vont s’aggraver dans les années et décennies à venir. C’est pourquoi, le Porter-à-Connaissance (PAC) pour la prévention du risque submersion marine avec prise en compte du changement climatique s’applique aux dispositions des documents d’urbanisme, des servitudes d’utilité publique, des contraintes environnementales en vigueur ainsi que des contraintes liées au Domaine Public Maritime. Il fixe les principes de prudence et de constructibilité applicables à la réalisation de tout type de construction … et est applicable aux constructions existantes sauf en cas de changement de destination. 
Face à ce risque de submersion marine et des conséquences sur le littoral Varois, les membres du Syndicat des Communes du Littoral Varois ont décidé d’adopter une motion pour mettre à jour leur PLU en prenant en compte le Porter-à-Connaissance qui s’applique sur le territoire des 27 communes du littoral Varois.”

C’est ainsi qu’en décembre 2021, le conseil municipal de Bandol a confirmé, à l’unanimité, son inscription sur la liste des villes soumises au recul du trait de côte (objet N° 06 de l’ordre du jour) de la loi Climat et résilience. Bon timing a priori, aurait pu-t-on se dire, puisque le PLU de Bandol est justement en révision. Mais non : interpelé sur la prise en compte opportune dans le PLU, l’élu à l’urbanisme avait alors invoqué des délais trop courts pour l’intégration du risque Erosion dans la politique d’urbanisme bandolaise d’ici à la clôture de la révision, en 2023 !

Les communes littorales du Var se désistent

Appuyant cette volte-face quelques mois plus tard, la liste du décret ne comportera pas la ligne « vu la délibération de la commune de Bandol en date du 22 décembre 2021 » ! En fait, publié en avril 2022, le décret pour l’application de l’article 58 de la loi Climat et Résilience pour la prise en compte du recul du trait de côte listant les communes concernées (1), ne compte aucune des 27 communes littorales varoises ! 

Etonnament, après 6 ans de travaux réguliers et malgré une année 2021 encore fortement marquée par la thématique de recul du trait de côte (risques submersion et érosion) dans les réunions du SCLV, et en dépit des interventions de la DDTM, à plusieurs reprises, pour insister sur l’importance de l’adaptation au changement climatique et l’urgence d’initier cette longue démarche au plus tôt, l’engagement du syndicat ne s’est pas finalement pas concrétisé.
Que s’est-il passé entre décembre 2021 et la publication en avril 2022 du décret d’où les 27 communes littorales du Var sont absentes ? Mystère… et silence de la presse locale sur ce retournement de situation.

Les élus bandolais nous apporteront-ils une réponse lors de la présentation du rapport d’activité 2021 du SCLV au conseil municipal -et feront-ils état de cette volte-face (par lecture du retrait motivé) en 2022- ou resteront-ils silencieux sur la posture contradictoire du SCLV par rapport à la non-mise en œuvre par les communes littorales varoises de la loi Climat et Résilience ? Devra-t-on attendre le rapport d’activité 2022, en 2023, pour avoir une explication publique ?

De précurseur, le Var passe à la traîne

Cela signifie-t-il que Bandol et les autres 26 communes pré-inscrites du Var ne seraient donc subitement plus soumises à l’érosion ? ! Ou bien qu’elles n’estiment plus l’être ? La lutte contre l’érosion peut-elle être à ce point sélective qu’elle pourrait ne concerner que les plages ? Les communes peuvent-elles choisir ce qui les arrange dans la prise en compte de l’élévation du niveau de la mer entre l’économie des plages et la constructibilité du bord de mer ? 
Une chose est sûre : les promoteurs de grands projets aux pieds dans l’eau viennent de gagner du temps (2).

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En savoir plus

(1) Décret n° 2022-750 du 29 avril 2022 établissant la liste des communes dont l’action en matière d’urbanisme et la politique d’aménagement doivent être adaptées aux phénomènes hydrosédimentaires entraînant l’érosion du littoral.

(2) 9 ans minimum de délais : « 1/ Identification des communes concernées par la réalisation d’une cartographie locale – code de l’environnement.
Liste révisée tous les 9 ans en fonction de l’indicateur national de l’érosion littorale.
Soit au moins 9 ans pour la révision de la liste + 1 an pour la réalisation de la cartographie communale + 3 ans pour l’intégration dans les docs d’urbanisme opposables.

Construire plus plutôt que construire moins
“Si en la matière, la stratégie nationale semble “le recul”, certaines communes n’auront d’autre choix que de “tenir la ligne, avec le développement ou le maintien d’ouvrages côtiers”, a fait savoir Gil Bernardi, le maire du Lavandou et président du SCLV.”
en 2022 dans cet article de Var Matin :
Voici comment les communes littorales varoises comptent faire face à la montée des eaux “Face à ce phénomène, les communes du littoral varois ne sont pas disposées à laisser faire la nature sans agir. Et réfléchissent à des solutions pour retarder l’inexorable.

Lire l’article du Monde : https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/05/05/rechauffement-climatique-126-communes-en-premiere-ligne-pour-s-adapter-a-l-inexorable-montee-des-eaux_6124935_3244.html