Du bon usage du sable pour des plages durables

Derrière des effets d’annonce proclamant un engagement volontaire de la commune en faveur de la biodiversité et pour la protection des milieux marins avec la pose de mouillages écologiques [1], Bandol se fait tirer l’oreille en ce qui concerne une réelle gestion raisonnée appliquée à ses plages, qui garantirait dans une plus large mesure cette fameuse protection, en particulier celle des herbiers de Posidonies.



Les habitudes ont la vie dure et les services de la Ville semblent peu enclins à mettre en cohérence les dires et les actes. En effet, depuis l’année dernière (2022), l’autorisation du rechargement en sable des plages de la ville est soumis à une étude d’impact [2]. Selon le principe d’examen des dossiers dits “au cas par cas” [3] qui s’applique à faciliter ce type de demande, les évaluations environnementales ne sont requises que lorsqu’elles sont jugées nécessaires par l’autorité environnementale. Et pour Bandol, c’est le cas ! Les herbiers de Posidonies y présentent un ensablement et une baisse de densité au droit des plages, car si les herbiers atténuent l’érosion en limitant la puissance des vagues, ils sont les premières victimes des transferts de sable.

Extrait de l’étude* produite en 2022, concernant Renecros, à la sortie de l’anse : “Les rhizomes sont ensablés. Bien que l’herbier présente de bonnes densités, il subit toutefois un ensablement, probablement lié au transfert de sédiment par la rivière de retour, comme l’atteste la présence de larges rides de sédiment grossier au droit de la station. L’état de vitalité est moyen”.

Rechignant à cette condition “bloquante” [ une étude d’impact coûte chère et prend du temps ], la Ville a fait une demande d’ajournement au Préfet en octobre 2022, et a renouvelé (en mars 2023) une demande d’autorisation de rechargement pour la saison 2023 [4], cette fois limité à 250m3 (au lieu de 600m3) pour les seules plages de Renecros et du Grand Vallat ; demande qui s’est vue opposer la même réponse fin avril 2023 : même moindre, le rechargement nécessite une étude d’impact comportant un plan pluriannuel de gestion des plages : Le dossier de demande d’autorisation du projet de rechargement en sable des plages du Grand Vallat et de Renecros pour la saison estivale 2023 situé sur la commune de Bandol (83) doit comporter une évaluation environnementale.”

Les limites du ré-ensablement, une solution de facilité à consommer avec modération

Parmi les raisons invoquées par l’Arrêté n° AE-F09323P0080 du 28/04/2023 justifiant le nouveau refus d’autorisation (et donc d’ajournement) :
• les impacts du projet sur la biodiversité considérant la proximité de milieux aquatiques sensibles, notamment représentés par des espèces protégées telles que la Posidonie et la Zostère naine ;
les volumes de rechargement vont globalement croissants depuis onze ans, induisant un trafic routier depuis la carrière du Beausset émetteur de gaz à effet de serre ;
• le diagnostic du littoral et l’étude de la dynamique précédemment fournis démontrent que ces rechargements impactent les herbiers de Posidonie (accumulations sédimentaires),
• et enfin l’absence d’information sur les effets cumulés dans le temps de ces rechargements annuels (nécessité d’une vision pluriannuelle).

Penser les plages sur le long terme

L’évaluation environnementale devra donc présenter :
• une vision pluriannuelle,
• l’analyse approfondie de solutions alternatives telle que recommandée dans le dossier par GLOBOCEAN et SEMANTIC dans le but de limiter et maîtriser les éventuels impacts de ce projet global (notamment l’exploitation de sédiments plutôt que des matériaux issus de ressources naturelles primaires) ;
• la prise en compte du changement climatique (émissions de gaz à effet de serre générées par l’apport de matériaux) et la gestion de l’érosion du trait de côte doivent faire l’objet d’une évaluation adaptée, afin de mettre en place des mesures appropriées pour les éviter, les réduire voire, le cas échéant, les compenser.

Au niveau règlementaire, si à la suite d’une demande d’examen au cas par cas l’Autorité Environnementale soumet un projet à étude d’impact, cela implique une instruction de 9 mois supplémentaire avec enquête publique. Les délais d’instruction et la “résistance” municipale à se projeter sur une vision pluriannuelle de sa gestion des plages sont autant de temps perdu depuis 2021 (date de la demande initiale de la DREAL). L’adaptation aux impacts du changement climatique suppose une anticipation qui n’est pas compatible avec la mauvaise volonté d’amorcer des projets longs et concertés.

Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin

L’objectif d’une telle réflexion sur le long terme pour la gestion des plages est de protéger l’écosystème marin (qui se dégrade) mais aussi l’existence de nos plages (qui s’érodent), d’optimiser les coûts financiers et environnementaux, et de pérenniser le fonctionnement naturel du système “Plage” (ainsi que son pendant économique). Cette réflexion doit se baser sur une connaissance locale approfondie, une granulométrie des apports sédimentaires mieux adaptée, la mise en place d’un protocole de suivi,… une réflexion qui peut aller jusqu’à une remise en cause des habitudes de facilité et/ou paysagères et l’établissement de mesures de protection… Cette démarche de développement durable repose essentiellement sur la concertation et l’intégration de la dynamique naturelle des plages, notamment avec le développement de solutions fondées sur la nature qui assurent une économie de moyens et une garantie de résultat. A moins d’avoir des ressources financières inépuisables, ce qui n’est évidemment pas le cas, on a tout à gagner à œuvrer ensemble avec la mer plutôt que contre elle. Une des premières leçons que nous apprend la mer est l’humilité.

Sur le même thème, lire aussi [R]apport des plages – Une économie fantasmée, déconnectée de la réalité environnementale

et Plages sous tension

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Pour en savoir plus :

Guide d’évaluation environnementale à consulter ( pour les littoraux : partie 3, page 26 )

• *NOTICE ENVIRONNEMENTALE – Etudes pour la gestion du trait de côte des
plages de Bandol – Mai 2022