LE CRP* sape notre paysage

* CRP pour Charençon Rouge des Palmiers : c’est le nom de code du tueur qui décime nos palmiers depuis 10 ans maintenant.

Comme les paysages littoraux et touristiques s’ornent volontiers de palmiers, les zones infestées suivent une large frange sud de la région dans laquelle s’inclut Bandol évidemment.

Peut-on imaginer notre ville et son bord de mer privés de leurs palmiers ?

Les Washingtonia ont déjà remplacé pour une grande part les emblématiques Phoenix, qui sans être à proprement parler d’origine provençale, ont nettement typé les rivages de la côte provençale et de la côte d’Azur au début du XXe siècle.

Etat des lieux

Depuis l’apparition du charençon en 2006 à Sanary (premier cas recensé en France),  la moitié des Phoenix canariensis auraient déjà disparu du paysage, aussi bien dans le Var que dans les Alpes-Maritimes. A Bandol comme ailleurs, il est aujourd’hui en voie de disparition. Les autres espèces, le palmier nain (Chamærops humilis), le palmier de Chine (Trachycarpus fortunei) ou le palmier dattier (Phœnix dactylifera) sont aussi victimes du charançon rouge. Seules quelques espèces, comme les Washingtonia résistent encore. Jusqu’à présent. Mais de nouveaux cas l’affectant aussi sont signalés comme celui de la plage centrale, tout récemment.

En début d’année, la préfecture a dressé un état des lieux et noté la progression fulgurante des zones infectées. Nombreux sont les articles de presse qui se montrent pessimistes > http://www.lefigaro.fr/jardin/2017/07/12/30008-20170712ARTFIG00053-palmiers-alerte-au-charancon-rouge.php

 

 

La lutte se poursuit

et elle est même obligatoire !

La lutte contre cet organisme nuisible de catégorie 1, est obligatoire sur tout le territoire national, depuis l’arrêté ministériel du 21 juillet 2010. Le traitement préventif des palmiers, sains ou asymptomatiques, n’est donc pas une option mais bien une obligation légale.

En 2016, le Le Préfet du Var a rappelé la loi dans un courrier destiné aux mairies du Var et a encouragé une action collective coordonnée. “Je vous incite à favoriser une lutte collective et à vous coordonner avec les communes voisines… “

En 2017, un nouvel arrêté précise les zones concernées par cette obligation ( zones contaminées et zones tampons) parmi lesquelles figure Bandol.

Un COPIL régional a été mis en place. Son rôle est de coordonner les actions de lutte contre le Charançon Rouge du Palmier au niveau de la région et a produit une cartographie et un Vademecum pour les collectivités. Il fait aussi régulièrement le point de la situation. Une réalité pas toujours conforme aux attentes : sur les 105 communes contaminées, 38 n’agissent pas selon le cadre prévu par la réglementation ; la conformité des abattages n’est pas toujours respectée ; les particuliers utilisent encore des produits phytopharmaceutiques interdits…

Des actions collectives

L’absence d’harmonisation de lutte entre les communes est reconnue comme étant un frein majeur.

En Mars 2017,  la région PACA a débloqué 300.000€ pour un plan de sauvetage volontaire et trouver des solutions innovantes.

• Le Projet ARECAP (Action en réseau pour l’éradication du charançon rouge et l’assainissement des palmiers) dans l’Est du département.

Un plan d’action a été lancé par nos voisins de la communauté d’Agglomération Var-Estérel Méditerranée (la Cavem) en 2016, et se poursuivra jusqu’en 2018 voire 2019.  Il consiste en une campagne de “vaccination” sur 3 ans. Cette stratégie choisie d’endothérapie* s’accompagne de la mise en place de pièges à phéromone par les techniciens de la FREDON et d’un accompagnement règlementaire local tel que  : Arrêtés municipaux appuyant le traitement obligatoire des palmiers / Réduction du recours systématique des collectivités à la plantation de palmiers / Instauration d’une règlementation restrictive à la plantation des palmiers dans PLU et PC ainsi que la signature d’une «Charte de bonne conduite» pour sauvegarder les palmiers du territoire.

Ce plan reste une action expérimentale et laisse des questions en suspens telles que sa réplicabilité compte tenu du coût, sa durée d’efficacité, et son impact sur la biodiversité.

* Endothérapie (le Revive) : directement injecté dans le tronc comme un “vaccin”, le traitement à base d’un insecticide systémique, le benzoate d’emectine est discutable mais semble très efficace. Exit l’utilisation très chère et contraignante de nématodes (lutte biologique) ou/et l’emploi d’un insecticide classique (Confidor) dans le cœur haut perché du palmier, voici le Revive, hautement chimique (produit de la firme Sygenta) et performant,  mais qui met en danger les pollinisateurs et nécessite impérativement à chaque saison la suppression des inflorescences pour préserver abeilles et autres butineurs. Ce choix est déjà fait par de nombreuses communes, comme Vence ou Roquebrune.

Des enjeux importants

La présence du charençon et les ravages sur nos palmiers ne sont pas seulement une contrariété d’ordre paysager avec la disparition d’un élément d’ornement de notre ville. Les impacts économiques induits par son attractivité sont considérables et les palmiers constituent la carte postale d’une image mentale très forte.

La contamination du CRP constitue aussi un danger potentiel accru avec la fragilisation des stipes qui se comptent par dizaines le long des rues. On a pu le voir récemment, avec la chute d’un palmier Phoenix à Barry par Mistral, ou l’abattage d’un Washingtonia atteint à la plage centrale qui aurait représenté un danger lors des tempêtes hivernales.

Cet état de fait est pointé dans le Vade-mecum rédigé à l’attention des collectivités territoriales :” Les dégâts occasionnés par le charançon rouge peuvent fragiliser la structure du palmier et conduire, notamment en cas d’intempérie, à l’affaissement de la couronne de palmes ou à la chute du végétal complet. Compte tenu de leur masse, les chutes de palmiers peuvent occasionner d’importants dégâts voire être la cause d’accident.”

Comme le rappelle le spécialiste et chercheur à l’INRA, Michel Ferry, “seule une lutte collective coordonnée entre propriétaires publics et privés menée rapidement et limitée dans le temps peut permettre de réduire drastiquement la population des charançons rouges et de sauver les palmiers !”

 

Cela pose question :

Que peut-on faire collectivement ? Les palmiers vont-ils disparaître de notre paysage ? Comment contenir et/ou s’adapter à cette disparition ? Les palmiers qui ornent les espaces publics vont-ils être remplacés ? Si oui par quoi ? A terme, en quoi cette infestation va-t-elle influencer nos façons d’aménager les espaces verts ?

A Bandol, les palmiers entreposés au stade des Grands-Ponts sont-ils traités ? À noter que ce sont, à part le pin de Barry, les seuls “arbres” classés à titre individuel en EBC dans le PLU.  Que vaut ce classement pour des spécimens qui pourraient bien être condamnés ?…

Le site de la Ville donne des infos de base sur les moyens de lutte et s’est exprimé récemment sur les 3 derniers cas, qui se rajoutent à ceux de la rue Marçon, de la rue Molière, de l’avenue du Général Leclercq, de l’avenue Albert 1er… déjà supprimés.

Vraisemblablement l’éradication est impossible et il pourra s’agir au mieux d’un “contrôle” ou d’une “stratégie raisonnée”. Ici, en toute cohérence, la bonne échelle pour une action synchronisée des communes pourrait être celle de la communauté d’agglomération de Sud-Sainte Baume. Le rôle des autorités locales est aussi la sensibilisation et le conseil pour des citoyens qui se retrouvent dépassés et découragés dans cette lutte souvent jugée perdue d’avance. Ainsi la ville de Hyères propose, dans sa brochure “Luttons ensemble contre le charançon rouge des palmiers”, un accompagnement des propriétaires privés, en parallèle d’un plan de lutte communal basé sur l’endothérapie (stratégie 3).

En attendant, voilà qui pourrait bien être une thématique de réflexion intéressante pour la commission extra-municipale “Urbanisme & Cadre de vie” à Bandol, qui pourrait enfin justifier de sa création en Janvier 2017.