Maux de pluie

La pluie tombe du ciel et fait grandir les ruisseaux. Les grenouilles adorent. Les citadins beaucoup moins. Allez savoir pourquoi ?

L’eau dans ses manifestations excessives, sécheresse, inondations et ruissellement des eaux de pluie, est une préoccupation plus que jamais d’actualité. Circuler à Bandol sous la pluie relève du parcours à haut risque, entre chaussées inondées et axes de circulation fermés !

Eaux de pluie dangereuses

Longtemps méprisée et laissée de côté, la question des eaux de ruissellement commence à émerger et faire débat, étant “un phénomène difficile à appréhender car il concerne des écoulements exceptionnels qui surviennent dans un milieu urbanisé donc artificialisé”. Un régime des pluies intensifié par le dérèglement climatique, un sol rendu étanche par la bétonisation, un dénivelé vers la mer important, un réseau d’assainissement du pluvial insuffisant… ce sont les facteurs pour faire de chaque orage un stress pour les habitants.

Depuis une quarantaine d’années, les désastres se multiplient sur le territoire national, cumulant pertes humaines et des milliards de dégâts matériels. Les experts ont identifié les causes et proposent des solutions depuis longtemps ; des lois sont à l’étude depuis 10, 20, 30 ans… ; entre temps, les élus espèrent que l’échéance de leur mandat les fera passer au travers ; et plus globalement tout le monde évite ce sujet gênant qui fait le lien avec une urbanisation à gros enjeux financiers ! Jusqu’au moment où la notion de risque devient concrète dans la vie des habitants qui se retrouvent les pieds dans l’eau. Quand on est concerné, on est plus réceptif à la problématique.

Recalibrée à une échelle locale, la redistribution des responsabilités de la Gemapi (Gestion des Milieux Aquatique et de la Prévention Inondation) opèrera peut-être un changement des mentalités.

Une prise de conscience

Les dégâts chiffrés sont souvent le bon argument pour faire bouger les lignes. La loi “Fesneau” du 30 décembre 2017 avait donné deux mois au gouvernement pour produire un rapport sur l’articulation entre la Gemapi et le ruissellement… Le rapport ROCHE préconise un plan d’actions sur 10 ans pour gérer les eaux pluviales tel que : partenariats territoriaux, mesures législatives, mise en place d’observatoires, recensements des rejets littoraux, campagnes d’information, incitations aux bonnes pratiques, etc.

Extrait du rapport Roche : Gestion des eaux pluviales. Dix ans pour relever le défi.
Tome 1 : Synthèse et propositions – Page 10 – Avril 2017

Le ruissellement

Le ruissellement est un risque sous-estimé par rapport aux autres types d’inondation, à tel point que jusqu’à présent il n’était pas ou peu pris en compte dans les PPRI. Les choses sont peut-être en train de changer.

Le ruissellement (1) est l’écoulement du surplus des eaux de pluie à la surface du sol, qui n’a pu s’infiltrer ou s’évaporer. Il va dépendre de 3 facteurs qui vont déterminer la vitesse de l’eau et le risque d’impact sur les zones traversées :
– la topographie du bassin versant (relief, dimension, nature des sols),
– la capacité de drainage du sol : état de saturation du sol et du sous-sol, urbanisation, réseau d’assainissement,
– et le type d’écoulement de l’eau (diffus ou torrentiel)

En plus des inondations, le ruissellement va générer d’autres impacts négatifs que sont l’érosion et la pollution. L’érosion des sols est très étroitement liée à la problématique du ruissellement.

“Même si l’eau de pluie peut sembler propre en apparence, elle contient toutes sortes de polluants qui aboutissent eux-aussi dans la mer. Sur le passage d’une zone rurale, les eaux se seront chargées en engrais, pesticides, et en matières organiques, tandis qu’à la sortie d’un bassin urbain, les eaux contiendront des hydrocarbures, des métaux lourds, des produits de chantier,  ou encore des matières en suspension. Les conséquences sur le milieu récepteur peuvent alors être désastreuses. (2)

A Bandol, commune littorale essentiellement urbanisée en versant de colline, les deux phénomènes sont conséquents.

Le projet du Quai de Gaulle intégrait une étude hydraulique qui a retardé le début du chantier. Les préconisations de cette étude (disponible sur le site de la mairie) priorisent un programme de mise au norme des infra-structures hydrauliques, dont la création d‘interfaces terre-mer, c’est-à-dire des ouvrages de protection du milieu naturel, de type bassin de décantation.

Un nouveau Plan de Prévention du Risque Inondation pour Bandol

De manière plus générale, jusqu’à présent les PPRI (3) ne prenaient en compte strictement que les inondations littérales de débordement de cours d’eaux naturels. A Bandol, un PPRI était «prescrit» depuis 1999 sans jamais avoir été «approuvé», intégrant les seules données du fleuve côtier mitoyen avec Sanary, le Grand Vallat. Depuis décembre 2017, est applicable une version qui a été “accélérée” (si l’on peut dire) : le PPRI Sanary-Bandol anticipé immédiatement opposable.

Infographie du PPRI du Grand Vallat – Bandol-Sanary – 2017

Ce nouveau PPRI, jugé assez urgent pour être imposé par le préfet avant même d’être approuvé par les communes de Sanary et Bandol, requalifie les zones à risque (en rouge et bleu) et surtout leur adjoint un zonage inédit (en bistre) : la zone EXZECO pour EXtraction des Zones d’ECOulements. Ces secteurs ne sont pas seulement considérés “à risque” d’inondation mais comme systématiquement inondés (zone d’impluvium). Dans la cartographie du porté à connaissance pour l’élaboration du PPRI (en 2001), figuraient déjà des zones urbaines inondables, en bleu clair, mais qui n’avaient pas été reprises sur la cartographie du PPRI ni du PLU. Ce sont les zones de réception des principaux talwegs du bassin versant urbain. Dans le PPRI actuel, seul le plus important a été retenu et redéfini : le ruisseau du Grand Vallon, un ru intermittent que l’on a bétonné et privé de son lit, et qui a la fâcheuse manie de réapparaître à chaque pluie, de manière parfois torrentielle, proportionnellement à l’imperméabilisation des collines !

La solution : des barrières de sécurité ont été installées et ferment la route en cas de pluies intenses, jusqu’à la plage d’Eden Roc, qui est elle-même régulièrement interdite à la baignade pour cause de pollution !

Débordement du ruisseau du Grand Vallon et érosion du sol dans le parc du Canet
Le ruisseau du Grand Vallon en crue, avenue Albert 1er – 2014.

(1) Définition du ruissellement :  “Le ruissellement est un phénomène physique d’écoulement non organisé de l’eau sur un bassin versant suite à des chutes de pluies. Il perdure jusqu’au moment où il rencontre une rivière, un réseau d’assainissement ou un marais.” Martine Guiton, 1998.
http://www.georisques.gouv.fr/glossaire/ruissellement-0

(2) Les Guides du Centre Européen de Prévention du Risque d’Inondation : Gérer les inondations par ruissellement pluvial – Guide de sensibilisation
http://www.cepri.net/tl_files/Guides%20CEPRI/guide%20ruissellement.pdf

(3) Le PPRI est un document réglementaire destiné à améliorer la sécurité des personnes et des biens face aux risques d’inondations. Il vise en priorité à ne pas aggraver les risques et à réduire la vulnérabilité sur les périmètres qu’il couvre, tant du point de vue de l’urbanisation future que des modalités de construction et des usages du territoire. Le PLU doit le traduire dans son zonage et dans son règlement.
Pour ce faire, un plan de prévention des risques a pour objet de rassembler la connaissance des risques sur un territoire donné, d’en déduire une délimitation des zones exposées et de définir des prescriptions en matière d’urbanisme, de construction et de gestion dans les zones à risques, ainsi que des mesures de prévention, de protection et de sauvegarde des constructions existantes dans cette zone. Il permet d’orienter le développement vers des zones exemptes de risque.