Récifs artificiels, à la rescousse de la biodiversité
Après 3 ans de préparation, un nouveau programme de récifs artificiels dans le Parc des Calanques pour tenter de donner un coup de pouce à la biodiversité de notre Méditerranée vient d’être annoncé !
L’installation de récifs artificiels sur des fonds sous-marins appauvris favorise la fixation de la faune et de la flore, sert d’habitat et permet une recolonisation accélérée. En France (1), depuis maintenant 40 ans, cette technique fait ses preuves (voire même depuis plus longtemps avec les toutes premières immersions en Europe de récifs artificiels faits “de bric et de broc” à Palavas, en 1968 ! ). Construits dans un premier temps avec des matériaux de récupération ou de construction, ils sont maintenant constitués de matériaux manufacturés en béton marin armé.
Des structures de vie
La définition retenue par l’IFREMER en 2000 en est : «Les récifs artificiels désignent des structures immergées volontairement, dans le but de créer, protéger ou restaurer un écosystème riche et diversifié. Ces structures peuvent induire chez les animaux des réponses d’attraction, de concentration, de protection et, dans certains cas, une augmentation de la biomasse de certaines espèces»
• L’immersion des premiers récifs artificiels de production a été réalisée dans le Parc Marin de la côte bleue dans la réserve de Carry-le-Rouet en 1983 : une série de 10 programmes d’aménagements en 25 ans, avec un coût global de 480 000 € pour 4 884 m3 de récifs.
• Il y a dix ans (2008) le plus grand récif d’Europe était immergé dans la rade de Marseille, avec le programme RECIFS PRADO (pour Réhabilitation Écologique, Concertée et Innovante des Fonds Sableux par la Pose de Récifs Artificiels Diversifiés et Optimisés) [eh oui, les gestionnaires font des acronymes tout un art ; vous apprécierez l’exercice de style !]. Ce champ de près de 30.000 m3 de récifs artificiels, répartis sur 200 hectares, donnait déjà lieu au bout trois ans à une hausse de 30% de la biodiversité.
“On y a constaté l’augmentation de la diversité de 28 à 64 espèces en quatre ans et le site est devenu une zone de chasse privilégiée pour un groupe de grands dauphins. Les herbiers de posidonies abimés par la construction des plages du Prado et du port de la Pointe rouge, retrouvent aujourd’hui une vitalité exceptionnelle.” rapportait un article sur FR3 cet été. L’opération, réalisée dans une logique de production pour le maintien de la ressource de pêche, a eu un coût total de 8 millions d’euros (dont 2 millions pour le suivi).
• 2015 a marqué l’immersion du projet de restauration REMORA, 36 modules déployés sur 2 sites au Cap-Sicié au bout de la rade de Toulon, devant la station de traitement des eaux usées Amphitria. Initiée en 2011 par l’Agence de l’eau, cette opération plus modeste mais coûteuse malgré tout (420 K€) a été réalisée en partenariat avec Veolia. Les grosses sociétés détentrices de DSP auront certainement de plus en plus vocation à se positionner sur des partenariats financiers avec l’État et promouvoir ainsi les techniques d’ingénierie écologique.
REXCOR, pour “Restauration écologique expérimentale de Cortiou”
• Et dans le même registre, novembre 2017, de nouveaux récifs artificiels vont être immergés dans les jours qui viennent pour reconstituer les fonds de la calanque de Cortiou, dont toute vie a été détruite par la pollution en raison du rejet historique des eaux usées de Marseille. Grâce à une qualité de l’eau très nettement améliorée depuis la mise en service de la station d’épuration physico-chimique de Marseille en 1987, puis l’ajout d’un traitement biologique en 2008, il est possible d’envisager recréer aujourd’hui des conditions favorables à la recolonisation par la faune et la flore.
3 types de modules différemment structurés, répartis de 10 à 20 mètres de profondeur sur 4 sites, plus ou moins éloignés des rejets pour tester, entre autre, les influences de la courantologie. C ‘est le pari expérimental de restauration du projet REXCOR, dans les eaux du Parc National des Calanques. Ce projet de près d’un million d’euros s’inscrit dans le cadre de la charte du Parc et répond aux objectifs des directives cadre sur l’eau (DCE) et de la stratégie pour le milieu marin (DCSMM). Là aussi il est co-financé en partenariat, à 30% par un groupement privé (Egis, CDC Biodiversité, Architheutis) et à 70% par l’Agence de l’eau. Il fait partie intégrante des actions du contrat de baie de la Métropole Aix-Marseille Provence pour la qualité du littoral et de la mer.
Au fil des années, l’intérêt théorique de restauration écologique se confirme par des résultats encourageants pour l’avenir, grâce aux suivis (observations et mesures de biomasse et de biodiversité) plus ou moins réguliers (2) et le design des modules évolue en étant de plus en plus étudié.
“La structure des peuplements de poissons diffère clairement selon le type de récif. L’agencement du récif et l’architecture des modules détermine la performance globale (richesse densité biomasse) mais aussi l’identité des espèces.” extrait du bilan des suivis du Parc Marin de la Côte Bleue par Frédéric Bachet & Eric Charbonnel
Ce sont aujourd’hui plus de 20 sites de récifs artificiels qui se répartissent sur le littoral des régions Languedoc Roussillon et Provence Alpes Côte d’Azur, et qui, même s’ils n’ont pas le charme envoutant des épaves, se révèleront peut-être dans l’avenir un outil incontournable pour la biodiversité marine.