Une zone naturelle en béton

Depuis fin Janvier, la falaise Ouest du Capelan (en zone N dans la bande des 100m) est en opération de confortement par une entreprise spécialisée. Un mois de travaux prévu, un linéaire sur pieux, armé et bétonné d’une vingtaine de mètres : on est loin de l’ouvrage grossier de pierres et de béton gâché dont on nous avait assuré, en réponse à nos recours, qu’il offrait une sécurité suffisante pour justifier la construction de 14 logements en amont !

 

C’était bien la peine que, depuis plus de 30 ans, la loi Littoral impose ses principes (1) pour la préservation des zones naturelles littorales, faisant de la France un précurseur en la matière ! C’était bien la peine qu’elle interdise la création de routes littorales, qu’elle délimite une bande minimale intouchable… pour préserver des espaces que tout le monde sait fragiles et précieux !

Le propos fondamental de la loi Littoral est d’éviter une trop grande pression physique (dégradation) sur les rivages grâce à une protection graduelle en fonction du rapprochement au bord de mer, qui recherche ainsi un équilibrage avec un développement urbain mesuré.

“On aimerait également rappeler qu’en prescrivant l’inconstructibilité de la bande des 100 mètres et en invitant à la mesure en ce qui concerne l’aménagement des espaces proches du rivage, la loi « Littoral » avait anticipé en son temps la nécessité aujourd’hui évidente de conserver sa place à la nature sur le littoral.”

J’emprunte ses mots à Lucien Chabason (2), corédacteur de la Loi Littoral initiale, qui vient de co-signé un appel récent  à l’occasion du projet de modification : Il faut sauver notre loi «Littoral» !

Depuis l’affaissement de l’avenue Georges V et l’effondrement du bord de la falaise (janvier 2014), à l’occasion de nombreux rendez-vous en mairie, nous tentons d’interpeller sur les impacts d’une urbanisation non maitrisée, et l’utilisation a minima de la loi appréhendée sous son strict potentiel de construction au lieu d’en considérer les objectifs quant à la résilience du milieu. Chacun ne voit que ce qui l’intéresse. Ceux qui veulent construire ne regardent pas au-delà de leur parcelle. Or c’est justement à une vision globale du territoire qu’engage la loi Littoral.

Au final, la qualification du Capelan en Zone Naturelle (3), partiellement classée EBC, n’aura pas évité que cette partie du paysage naturel de Bandol ne se transmute à l’image de la ville ! Imperméabilisation croissante de son rivage, érosion pluviale avec un lessivage régulier des sols mis à nu, circulation automobile traumatisante accrue sur cette portion du sentier littoral géologiquement sensible (crique en formation), avec pour conséquences une série d’effondrements plus ou moins brutaux, la mise en danger des usagers et pour finir la sécurisation de la falaise par un mur de béton. Le Capelan a subi tout ce que la loi Littoral permettait d’éviter.

Il ne nous reste plus qu’à croiser les doigts et continuer nos démarches pour que la falaise à l’Est du Capelan, vers la pointe Encanet, connaisse une gestion moins brutale. La lutte contre l’érosion demande une adaptation. Dresser des murs est le contraire d’une bonne solution.


(1) LES GRANDS PRINCIPES DE LA LOI LITTORAL, relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral.

  • Le libre accès au rivage.
  • L’interdiction de construction dans la bande littorale des cent mètres en dehors des espaces urbanisés.
  • L’extension de l’urbanisation en continuité avec les agglomérations et villages existants.
  • L’extension limitée dans les espaces proches du rivage ou des rives des plans d’eau intérieurs.
  • L’interdiction de création de nouvelles routes sur les plages, dunes ou en corniche, à moins de 2000m du rivage.
  • Et bien sur, l’instauration d’une servitude pour un sentier littoral.

(2) Interview de Lucien Chabason sur 30 ans de loi Littoral


(3) En zone N, le principe est celui de l’inconstructibilité, dans un souci de sauvegarde.

Il s’agit de zones naturelles et forestières qui correspondent aux secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison :
– soit de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique,
– soit de l’existence d’une exploitation forestière, soit de leur caractère d’espaces naturels.
C’est la loi Littoral, encore elle  (ou plus exactement l’article L130-1 du code de l’urbanisme) qui oblige à la classification de ces espaces remarquables dans les communes littorales.