La fin des jardins
Depuis l’antiquité, les jardins ont défini le paysage de méditerranée tel qu’il est aujourd’hui.
Du jardin monastique au jardin botanique, en passant par le jardin potager pour finir élément d’art et de décoration de riches villas, le jardin a évolué au fil des siècles en témoignage de nos cultures et de la place attribué au végétal dans nos sociétés.
Largement représentés dans l’art, on retrouve les jardins depuis l’antiquité sur des gravures égyptiennes ou des mosaïques romaines, dans les tableaux du Moyen-âge aux romantiques, dans des éléments d’architecture (colonnes corinthiennes inspirées de la feuille d’acanthe) ou eux-mêmes œuvre d’art (les jardins suspendus de Babylone, les jardins de l’Alhambra, de Versailles ou de Giverny), etc.
Aujourd’hui le jardin s’est vulgarisé, il est donné à tous (jardins ouvriers, jardins municipaux ou jardins particuliers) et le jardinage est l’une des activités préférées des français, avec le bricolage.
Et pourtant il pourrait bien disparaitre !
La beauté et le bien-être que nous apporte le jardin ne suffit plus à justifier sa préservation comme lieu de vie. Le jardin, futile, surface inutile gaspillée en considération de sa valeur foncière, ne vaut plus que par le prix de sa transformation en terrain à bâtir. Aujourd’hui on ne raisonne plus qu’en réserve foncière et pourcentage de surface d’espaces verts !
Le vocabulaire change et la perception aussi. Les jardins ne vont plus de soi. Ils ont habillé les maisons des rois ; ils sont aujourd’hui encadrés par la loi.
Adieu le jardin de grand-mère, avec ses cerisiers et ses marguerites où nous allions chercher les œufs en chocolat.
C’est désormais un réservoir de biodiversité ou un écosystème dans le meilleur des cas. Pour les justifier, on vous parlera désormais de trame verte, de continuité écologique, de réserve pour la biodiversité, en opposition aux réserves foncières ou à la capacité d’accueil…
Ce ne sont plus des jardins colorés, odorants et luxuriants qui ont fait la réputation de la Provence ; ceux-là deviennent des musées. Ce sont désormais, selon le code de l’urbanisme, des espaces verts définis en pourcentage obligatoire minimum, un ratio de pleine terre, de limite séparative, une bande verte réduite à 4m minimum autour d’un volume de béton à construire.
On impose toujours des «haies vives» pour les clôtures mais elles sont motivées dorénavant pour être des corridors écologiques et vaguement aussi pour un reste flou de cohérence architecturale à préserver. Pour qui le sait, une haie vive est un assortiment varié de végétaux qui vont constituer une clôture naturelle, presque un “jardin” qui n’aurait plus la place que sur une ligne. Mais peu le savent, et on fait à la place des alignements de haies mono-variétales, quand ce ne sont pas des barrières en plastique opaque en guise de remparts. Les mots ne suffisent plus à être appliqués quand leur sens est méconnu. Les mots disparaissent, les mœurs changent et l’idée des jardins aussi.
Pourtant le jardin a plus que jamais sa place dans nos villes.
Malgré un jargon aliénant, les urbanistes préconisent l’usage des jardins : «îlots de fraicheur» pour combattre les effets du béton sur la qualité de notre cadre vie, “zone tampon” contre les inondations et le ruissellement urbain, “espaces commun” de convivialité et de rencontre. De plus en plus nombreuses sont les initiatives de jardins partagés, créateurs de lien et ressource gratuite qui témoignent de la volonté des habitants de “verdir” leur cadre de vie.
Les jardins ont toujours été, en étant admirés, et pourraient disparaître d’être méprisés. L’histoire des Jardins suit celle des civilisations et des cultures. Qu’il est loin ce poème de Jean des Bruyeres qui vantait l’exubérance des jardins de Bandol. Faisons que nos sociétés ne deviennent pas froides et arides comme des textes de loi !