Quand renouveau rime avec travaux…
Les archétypes ont la vie dure… De nouveaux travaux de “requalification” progressive du bord de mer sont promis pour le printemps à Bandol.
S’ils sont une bonne nouvelle pour les sociétés de béton et de BTP, ils le sont rarement pour le littoral qui promet de s’artificialiser encore un peu plus. Lentement mais surement le littoral se dénature, et pour reprendre les mots du maire dans l’édition Mars-avril du bi-mensuel municipal “c’est la transformation progressive de notre cadre de vie, qui s’écrit doucement”…”Par petites touches, vous y prêtez attention, ou pas”… Il se trouve que nous y prêtons très attention… justement parce qu’ils sont réalisés petits bouts par petits bouts, et qu’ils constituent ensemble “un projet global de réaménagement du front de mer”, lequel nécessiterait théoriquement une consultation publique.
Promesses fluctuantes et artificialisation durable
A la lecture du Mag de la Ville , de la première à la dernière page, on comprend que les anciens projets de campagne, irréalisables, sont abandonnés et cherchent à se réinventer, encore incertains mais toujours péremptoires : “Une seule certitude à l’heure de ces lignes : 2026 verra un Bandol amélioré, au-delà de ce que nous avions imaginé en présentant notre liste à vos suffrages. Le chemin est encore long, les études ne sont pas finies, mais ce puzzle ambitieux va progressivement se dessiner : fidèle à nos promesses, et adapté aux contraintes du réel, ses options seront discutées avec vous dans quelques mois.”… Sans réelle surprise invalidé par l’ARS et la DDTM ( pour respectivement l’utilisation du terrain des Grands Ponts en zone de captage et la surélévation du stade dans le DPM à la constructibilité limitée en zone de risque Submersion ), le programme initial des “grands projets” est devenu plus modestement aujourd’hui pour les élus de la majorité “Notre solution intuitive” ! Tout aussi intuitivement, en tant que citoyens engagés pour le littoral, la mise en place d’un “puzzle ambitieux” hors études ou mise en œuvre globales ( ni planification ni concertation ) a de quoi nous inquiéter. Particulièrement lorsque l’amorce de ce puzzle est le remplacement du platelage en bois de la promenade de bord de mer,… par du béton !
Portée à une largeur de 4 mètres ( que vont devenir palmiers et espaces verts ? ), on nous dit de cette nouvelle piste en béton qu’elle sera plus résistante à pied, en vélo, en rollers et en poussette… : une évidence un peu pauvre liée au matériau mais qui ne justifie pas pour autant ce choix en valorisation d’un littoral naturel ( zone N1 du PLU ) ! Ce cheminement aménagé qui part de la plage du casino jusqu’à Sanary, dessiné par Rudy Ricciotti en 1995, constitue déjà une continuité douce de circulation pour piétons et sportifs. Et voilà que cette promenade littorale est aujourd’hui considérée comme de la “Voierie” ( page 19 du document d’orientation budgétaire 2022 ) alors même que, dans ses principes, la loi Littoral interdit la création de nouvelles voies dans la bande littorale (1). Cet habile jeu de mots qui affirme l’indiscutable compétence communale en matière de voierie, et élude au passage toute contestation, ne rend pas pour autant ce projet pertinent au XXIe siècle où les stratégies d’aménagement du littoral rivalisent d’intelligence et de souplesse pour le rendre plus résilient aux phénomènes d’érosion et de recul du trait de côte. C’est d’ailleurs tout le sens du texte de l’article 321-1 du code de l’environnement : “Le littoral est une entité géographique qui appelle une politique spécifique d’aménagement, de protection et de mise en valeur”… et notamment “La mise en œuvre d’un effort de recherche et d’innovation portant sur les particularités et les ressources du littoral”.
Errare humanum est, diabolicum perseverare
A l’heure où le changement climatique et la loi imposent certaines urgences et de nouvelles prises en compte (2), il ne suffit plus d’être ambitieux, ou de s’accrocher à des promesses impossibles, encore faut-il savoir reconnaitre ses erreurs et ouvrir les yeux sur les vrais enjeux de développement durable pour une commune balnéaire ( qualité du cadre de vie, réchauffement, lutte contre l’érosion, zéro artificialisation nette, maintien des sols, adaptation aux risques littoraux… ).
Cette course en avant pour engager le plus vite possible ( avant 2026 ! ) de “grands travaux” par petits bouts, avant même d’avoir un schéma directeur d’ensemble pourrait bien court-circuiter à terme les vraies possibilités d’adaptation de la ville susceptibles de s’inscrire dans le prochain PADD ( le plan d’aménagement et de développement durable du PLU ). Sauf à croire, à l’exemple de la prochaine réfection de l’accès du parking central après celle, récente encore, du nouveau quai De Gaulle, que faire et refaire c’est toujours faire et ainsi ouvrir toujours de nouvelles perspectives de travaux…
PS/ A noter un point positif pour le littoral dans cette édition municipale de printemps, auguré dans un chapitre “Concilier entretien des plages et préservation du littoral” où il est question sans les nommer des banquettes de Posidonies, sous l’appellation de “laisse de mer” qui ne rend pas compte de leur statut protégé : “Une consultation a été lancée par la commune afin de réaliser un diagnostic du littoral et de suivre son profil bathymétrique, c’est-à-dire la mesure des profondeurs et du relief dans la mer pour déterminer la topographie du sol sous-marin. Cette étude de 3 mois (coût d’environ 38 000€) doit permettre à la commune d’intégrer les enjeux environnementaux dans les futures pratiques de nettoyage des plages.”
Parallèlement, la commune voisine de Sanary-sur-mer a également lancé un appel de marché pour une Étude préalable portant sur la préservation de la biodiversité marine du littoral sanaryen sur 2 ans ( coût < 60 000 € ).
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(1) Article L121-6 du Code de l’urbanisme : “La création de nouvelles routes sur les plages, cordons lagunaires, dunes ou en corniche est interdite.”
(2) La loi Climat et résilience impose la prise en compte du recul du trait de côte par les documents de planification (PLU, SCoT, SRADETT…) : cartographie des zones impactées dans les PLU, révision des plans de prévention des risques naturels… Elle fixe également l’objectif de Zéro Artificialisation Nette (ZAN) à 2050 et dans un premier temps, d’ici à la fin de la décennie, demande aux territoires de baisser de 50% le rythme d’artificialisation et de consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers. L’artificialisation des sols consiste à transformer un sol naturel, agricole ou forestier, en un sol artificialisé. Les opérations d’aménagement pour passer d’un état à l’autre peuvent entraîner une imperméabilisation partielle ou totale qui anéantit les fonctionnalités des sols : agriculture, absorption des eaux ou captage du carbone.