Ruissellement & inondation

Quelles solutions pour y faire face ? Chaque année dans le Var, de violents épisodes pluvieux accentuent la prise de conscience que nous devons adapter nos villes sous peine de nous épuiser à écoper.

Serpillières en libre service, voitures amphibies, réhausseurs pour électro-ménagers… les solutions sont nombreuses ; certaines, meilleures que d’autres, tombent sous le sens [pour ne pas dire “coulent de source” !] et supposent d’agir à la base, la base étant l’imperméabilisation des sols, qui renvoie à l’urbanisation. [eh oui, encore…!].

D’où vient le problème ?

L’importante imperméabilisation des sols qui a longtemps accompagné le développement de l’urbanisation génère des modifications significatives du cycle de l’eau. Elle accroît le ruissellement en termes de volume et de débit d’écoulement, au détriment de l’infiltration dans le sol. Ces effets ont pu être accentués par certaines pratiques : comblement de talwegs et de zones humides, busage de fossés, canalisation de ruisseaux, etc. De telles pratiques correspondaient aux besoins d’extension rapide des villes dans une période de forte croissance. Pour les eaux pluviales plus spécifiquement, la réponse a longtemps consisté à poser des canalisations enterrées pour la collecte systématique et l’évacuation rapide en aval de l’aménagement. Les réseaux étaient dimensionnés selon des instructions techniques nationales, pour une période de retour de protection le plus souvent décennale. Cependant l’étalement des villes a rapidement entraîné une saturation des réseaux existants. Ces limites technico-économiques ont conduit à l’expérimentation de nouvelles solutions dans les villes nouvelles dès les années 1960-1970. Des bassins de retenue ont alors été progressivement développés, généralement à l’exutoire de réseaux pluviaux. Ces premières réponses ont été ensuite complétées par d’autres techniques «alternatives» aux réseaux ou «compensatoires» des effets de l’imperméabilisation des sols.

[Bravo ! Vous venez de commencer une fiche technique du CEREMA concernant les Principes généraux de gestion des eaux pluviales. ]

Quels outils et alternatives ?

• La Gémapi est la gestion des milieux aquatiques et du risque inondation.
Parmi ses domaines d’interventions, le ruissellement figure dans la liste “hors compétence”, et n’est a priori pas directement dans le viseur de la Gémapi ; le ruissellement pourrait donc ne pas être considéré puisque qu’il n’est pas obligatoire. Or, la défense contre le risque d’Inondation l’est, d’ailleurs souvent associée avec le risque Submersion marine en zone littorale. Donc indirectement, la Gémapi intègre bien la compétence Ruissellement et représente localement un outil important.

La méthode ExZEco (Extraction des Zones d’Écoulement)
C’est une méthode simple développée par le Cerema qui permet, à partir d’une numérisation des données topographiques, de définir des emprises potentiellement inondables sur de petits bassins versants, pour contenir les eaux d’écoulement des talwegs et ensuite cartographier les zones où l’eau va pouvoir aller naturellement sans occasionner de dommages. La condition est évidemment de disposer de parcelles libres qui pourront servir de zones “éponges”. A Bandol par exemple, une telle parcelle existait naturellement avant la construction de la résidence Cap Frégate. [Dommage!]

Schéma de Réseau des Eaux pluviales
Intégré au PLU, le schéma de réseau des eaux pluviales est un document d’urbanisme qui doit recenser, analyser et prospecter plusieurs éléments : l’aménagement des voiries, la topologie, les axes naturels de ruissellement, les zones potentielles de régulation, les ruisseaux intermittents, la déclivité, l’imperméabilisation… Il doit par exemple déterminer et définir les zones de rétention et d’infiltration ; le cas échéant, mettre en évidence les dysfonctionnements ; définir une cartographie des zones à assainir ; élaborer un règlement et des recommandations techniques (préconisations de construction)…C’est un document clé pour intégrer le risque ruissellement et inondation dans la planification d’urbanisme et prévenir des dommages, en s’abstenant de certaines autorisations de construire.

Dégâts occasionnés par les pluies du 23 octobre 2019 dans une construction récente. Le long du Grand Vallon, talweg qui peut prendre des allures de torrent, des murs ont été érigés, autorisés par des PC, dans les 5m de bords en principe non constructibles (1). Son lit (à droite de la photo) a été ainsi contraint dans la largeur et bétonné, augmentant la vitesse du ruissellement.

Gestion intégrée de l’eau et perméabilisation des sols
La pluie fait partie du cycle de l’eau. On se souvient qu’après l’évaporation et la condensation, l’eau retombe sous forme de précipitations dans le sol et de là recharge les nappes phréatiques [normalement]. Le ruissellement et les inondations sont un effet naturel de ces précipitations. En Egypte, en Inde,… de nombreuses traditions dans le monde ont intégré ces débordements dans leur culture depuis des millénaires et vivent à leur rythme. Au contraire, nos réseaux urbains les ont contraints et nous avons méprisé les règles de prudence des anciens en concentrant nos activités et lieux de vie sur leur passage.

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Pour repenser l’équilibre, tout ce qui interfère sur le cycle de l’eau est à prendre en compte. Des sols imperméables, trop secs ou compactés n’absorbent pas l’eau de pluie et accélèrent le ruissellement naturel en cas de pluies importantes. De nombreuses techniques compensatoires cherchent à neutraliser les effets du ruissellement sur l’urbanisation elle-même (maitrise des inondations) et sur l’environnement (maitrise des pollutions).

Cela passe d’abord par :
Limiter l’imperméabilisation des surfaces ou compenser les effets de cette imperméabilisation, pour diminuer les quantités d’eau qui ruissellent et le risque d’inondation en aval ;
Limiter les volumes raccordés aux réseaux pour éviter leur débordement en aval (déconnexion et infiltration ou régulation).

Autrement dit, l’eau doit retourner à la terre dès que possible.

La gestion “tout tuyau” des eaux pluviales a fait son temps.

C’est ce que l’on peut lire en titre dans l’édition du 09 août 2019 du magazine Sauvons l’eau de l’Agence de l’eau qui présente des expérimentations à grande échelle. Rendre les villes perméables est une alternative d’autant plus nécessaire en PACA que la région connait une pénurie d’eau chaque été. La pluie qui s’infiltre reste disponible dans le cycle de l’eau, de la terre aux nappes phréatiques.

“Avec le développement urbain, le système du « tout tuyau », consistant à collecter systématiquement les eaux pluviales pour les évacuer à l’aval, a révélé ses limites. Devant la saturation des réseaux d’assainissement, les inondations en centre urbain et la dégradation des milieux récepteurs, d’autres solutions ont dû être utilisées, très souvent en complément des réseaux.” écrivait déjà en 2006 Hélène Blanchard, Vice-Présidente déléguée à l’Environnement et à la Prévention des Risques dans la préface du fascicule “Stratégie et solutions techniques pour la gestion des eaux pluviales”.

“Il n’y a pas de solution unique ni de recette-miracle pour limiter les risques d’inondation et diminuer la pollution. La gestion de l’eau impose de s’adapter à chaque situation.
Noues, fossés, tranchées, chaussées à structures réservoirs, espaces inondables, toitures stockantes, bassins, puits d’infiltration… Regroupées sous le terme générique de techniques alternatives, elles sont diverses et à géométrie variable. Elles permettent de maîtriser le ruissellement pluvial sur la zone aménagée ainsi qu’à l’aval et de s’adapter au site.

Avec des tempêtes plus violentes et plus fréquentes promises par l’augmentation des températures autour de la Méditerranée, la surenchère de records (dégâts, pluviométrie) va rendre indispensable l’intégration en amont de cet enjeu du ruissellement dans la ville.


(1) Doctrine MISEN : Règles générales à prendre en compte dans la conception et la mise en œuvre des réseaux et ouvrages hydrauliques pour le département du Var.
Libre écoulement des crues : En bordure des axes d’écoulement (cours d’eau, fossés, talwegs), les règles de construction imposées par la réglementation de l’urbanisme seront respectées (recul des constructions, transparence hydraulique des clôtures, vides sanitaires,…). En l’absence de prescriptions spécifiques imposées par les documents d’urbanisme, un franc bord de 5 mètres non constructible sera instauré a minima en bordure des axes d’écoulement, sur lequel il ne sera réalisé ni remblai, ni clôture, ni construction en dur.