Le PLU [re]vise les espaces naturels
Le PLU de Bandol va être révisé. Les grandes lignes de cette révision ont été votées lors du conseil municipal du vendredi 18 décembre 2020.
Le fait est notable puisqu’il s’agit cette fois non pas d’une simple modification mais bien d’une révision, la dernière datant de 2013. Depuis, certaines règles d’urbanisme ont évolué et le PLU doit se mettre à la page.
• Entrée en révision du PLU de Bandol
La prescription marque le lancement d’un processus long [la durée moyenne d’une révision étant d’environ un an] au terme duquel le projet abouti sera présenté à la population lors d’une consultation publique.
En attendant le déploiement municipal d’une concertation citoyenne, voici deux mois que la révision a été lancée et toujours pas un mot sur le site de la Ville de Bandol où la communication sur le PLU se borne à la mise en ligne de la délibération du conseil. Aussi, par défaut, en tant qu’association d’habitants de Bandol, attachés à la préservation de notre ville et du littoral bandolais en particulier, nous nous sommes essayés à une réflexion de fond sur les attendus de cette révision.
L’objectif premier de cette révision est une intégration règlementaire obligatoire des dernières lois d’aménagement d’urbanisme et environnementales, et des documents supérieurs tels que les orientations du SCoT. C’est aussi l’occasion d’une réflexion générale sur les perspectives de la ville et les moyens à mobiliser pour anticiper de son évolution et “répondre aux impératifs de développement durable”. Les intitulés seront donc en grande partie imposés mais c’est surtout l’intention municipale mise dans ce projet de ville, déterminante pour la physionomie de la commune, la qualité de ses paysages et de notre cadre de vie, qui nous intéresse.
Veut-on recréer du stock foncier constructible pour le marché de l’immobilier ou bien veut-on protéger le patrimoine architectural local ? Veut-on créer du bien-être ou des opportunités, veut-on prioriser du lien ou plutôt de l’attractivité… les plus présomptueux s’engageront à tout faire, mais la petite taille de la commune obligera à des choix. Le PLU est un outil dans les mains des gestionnaires pour façonner la ville de demain.
Le PLU, un outil à double tranchant
IL faut comprendre qu’un plan local d’urbanisme est ambivalent : selon ce qu’on veut en faire, il peut à la fois favoriser l’urbanisation et/ou la contraindre en protégeant strictement des espaces choisis. Tout est question d’approche et de niveau du curseur.
Le propos d’un PLU est la projection et la planification de l’urbanisation sur le moyen et long terme, c’est-à-dire une prévision de l’évolution de la ville dans les années à venir pour faire en sorte idéalement que le territoire reste viable pour des habitants heureux et sécurisés.
• S’interroger sur le potentiel d’urbanisation
Traduire l’ambition de son renouvellement urbain dans un PLU, suppose pour toute commune d’analyser le foncier disponible. Cette disponibilité est sensée s’évaluer en fonction des lois et des contraintes locales : la capacité d’accueil, les réseaux existants, le plan de mobilité, les risques naturels, les espaces protégés… A contrario, les élus peuvent choisir d’écarter certaines parcelles identifiées pour leur fonction dans l’équilibrage du foncier urbain (trame Verte et Bleue, poumon vert, zone agricole, zone d’expansion de crue, coupure d’urbanisation…). En théorie.
En pratique, il s’agit aussi pour le maire de maintenir à court et moyen terme la capacité d’évolution économique, foncière et immobilière de la ville en réponse à la pression des électeurs (propriétaires et spéculateurs, dans une logique de “valorisation” de leur patrimoine personnel…) et des lobbies sectoriels, afin de garantir l’attractivité de l’économie résidentielle. A Bandol, avec sa très chère vue-sur-mer, les professionnels du bâtiments sont nombreux (5 notaires, 33 agences immobilières, 10 architectes recensés dans les pages jaunes… sans compter les promoteurs, maçons, terrassiers, métreurs, géomètres, topographes, et autres). Le secteur résidentiel est donc loin d’être anecdotique, et constitue un important vecteur économique. Il repose essentiellement sur la plus-value foncière d’intérêts privés. L’un des rôles du PLU est justement l’arbitrage entre l’intérêt des particuliers ( à l’échelle des parcelles privées) et l’intérêt général (à l’échelle du territoire communal).
Or on peut facilement comprendre que le théorique développement urbain n’est pas infini et a nécessairement des limites physiques et géographiques. En dépit d’un fort attrait spéculatif, la poule aux œufs pourrait bien s’essouffler !
Comme le montre la cartographie du PLU ci-dessus, la particularité de la commune de Bandol est d’être déjà fortement urbanisée sur tout son versant littoral (moitié sud). Difficile d’y construire encore plus ! Au nord, des espaces naturels subsistent encore derrière les crêtes de Vallongue et Roustagnon.
Au ratio de sa faible superficie, le trait de côte de Bandol est déjà artificialisé à 46,71% (soit un linéaire de 2,93 km selon le MEDAM), alors qu’il ne l’est que de 13,72% à Saint-Cyr-sur-mer ou de 14,73% à Sanary. L’impact de cette densité d’urbanisation en front de mer sur le paysage et l’attractivité touristique de la ville sont considérables ! Pour ceux qui comprennent mieux les chiffres que le paysage, le taux d’artificialisation du littoral de Bandol se retrouve juste derrière celui de Toulon (68,72%) et de La Seyne (51,84%). L’urbanisation bandolaise littorale peut difficilement être plus développée sans mettre à mal son identité de station balnéaire provençale.
Exemple de PAYSAGES disparus ou à disparaitre, que l’actuel PLU n’a pas su protéger :
Disparu, le front de jardins de l’arrière-plage du Grand Vallat A démolir, cette maison traditionnelle pour un collectif Disparue, la vue sur l’anse de Renecros de l’avenue Foch
• Maintenir le patrimoine et pérenniser la résilience des sols
Selon notre point de vue associatif de défense de l’intégrité physique du littoral, nos considérations sont des plus basiques. Elles visent à maintenir les paysages dans leur authenticité et dans leur fonction, et quand ce n’est plus le cas, si possible les restaurer !
Pour défendre le littoral, le PLU constitue donc également à nos yeux un outil essentiel pour réagir face aux menaces et agressions qui le dégradent : en première ligne desquelles l’urbanisation et l’artificialisation.
Pour nous, un bon PLU serait donc un compromis entre un développement acceptable pour tous, et le respect de l’existant (le patrimoine bâti autant que le paysage) sans compromettre l’avenir.
La prescription de mise en révision du PLU
• Entre économie résidentielle et développement durable, l’art du non-choix
Pendant la séance du conseil municipal, notre curiosité a été attirée par une annonce des élus en forme de scoop : “Le développement durable sera le fer de lance du projet politique de cette mandature !” Cette déclaration inédite et ambitieuse de la majorité municipale est à comprendre avec modération toutefois si l’on considère la réserve émise par l’adjoint à l’urbanisme :“je ne connais pas de communes qui soit compatibles à 100% avec le SCoT ! On va faire au mieux“. Sans devoir être conforme, la compatibilité avec le SCoT est pourtant bien une obligation [1], même si elle s’apprécie évidemment au regard du contexte communal, des risques, des spécificités et des enjeux du territoire.
Dans sa prescription, la mairie a évoqué une “volonté de réfléchir à l’opportunité d’ouvrir à l’urbanisation… Mais sans forcément dépenser de l’espace”. Une formulation opportunément ambigüe qui perpétue une stratégie du non choix et de tous les possibles.
• Nouvelles ouvertures d’urbanisation
La révision était depuis longtemps annoncée (depuis 2013) sans jamais se concrétiser jusqu’à présent ! Ayant également tergiversé longuement quant à une ouverture de l’urbanisation, les déclarations de la mairie avaient évolué au fil des mois passés, de :“Il nous faut maintenant aller plus loin pour protéger notre ville et la mettre à l’abri d’une urbanisation excessive.”, à : “j’avais dit que je n’ouvrirai pas les zones AU à l’urbanisation mais …” Le maire enfin résolu a finalement affiché sa stratégie d’urbanisme dans la presse : “Bandol évolue. La ville doit s’ouvrir au développement de l’urbanisation.”
Urbaniser plus donc, mais sans forcément consommer plus d’espace !? Comment est-ce possible ? À défaut de pouvoir s’étaler, faudra-t-il construire plus haut ? Faudra-t-il remettre en cause la typologie de l’habitat individuel [2] ? Doit-on comprendre que les limitations de hauteurs constructibles seront modifiées à la hausse dans certaines zones ? Ou bien la future consommation de l’espace sera-t-elle seulement ré-équilibrée comptablement par la création de superficies non constructibles (terrains agricoles) ? Les orientations de cette révision le diront, mais pour l’heure, la seule prescription ne permet que de simples spéculations…
On peut déjà remarquer que si le SCoT actuel, pour sa part, n’identifie que 2 zones à Bandol pour une ouverture d’urbanisation à l’horizon 2030 (Val d’Aran et Logis Neuf), une des orientations d’aménagement et de programmation (OAP) du PLU de Bandol avait quant à elle identifié en 2013 les secteurs de la Cole de Rene et de Poutiers (extraits ci-dessus).
Les espaces naturels et EBC dans le viseur
Lors de la dernière modification simplifiée du PLU, en 2019, les zones naturelles avaient déjà été concernées par un déclassement et l’ajout au règlement de “points de détail” dérogeant à l’inconstructibilité.
Cette fois encore, des espaces naturels protégés pourraient être déclassés ; c’est ce qui a été annoncé lors de la prescription de cette révision.
Lire aussi : Modification simplifiée du PLU de 2019
• De nouvelles zones agricoles à Bandol !
Lors de la présentation des objectifs de cette prochaine révision par le conseil municipal, d’emblée, un remodelage du zonage de la ville a été évoqué par les élus : ouverture de nouvelles zones à la construction, déclassement d’espaces naturels, création de nouvelles zones agricoles…
Selon l’adjoint délégué à l’urbanisme et l’environnement, certains espaces naturels (zones N ou Espace Boisés Classés (EBC)), identifiés comme “sans intérêt” (sic), pourraient être transformés en zones agricoles (zones A). Les zones agricoles, bien que très règlementées elles aussi, ont néanmoins un statut plus souple en matière de constructibilité.
Ces zones A regroupent les secteurs d’une commune pouvant être protégés en raison de leur potentiel agronomique, biologique ou économique de terres agricoles. Auraient pu être identifiées comme telles à Bandol, certaines parcelles à La Garduère ou Vallongue, qui bien que n’étant plus exploitées gardaient jusqu’à peu les traces de l’activité agricole passée ; en témoignent les anciennes restanques et quelques noms de rues telles que la Traverse du laboureur. Mais ces secteurs sont justement ceux qui depuis une dizaine d’années se distinguent par une intense activité de construction, de division de parcelles, et autres permis d’aménager… Hors jeu donc pour y prétendre une reconquête agricole !
Autre solution alternative pour créer des surfaces agricoles, convertir des espaces naturels … Or un sol agricole, même s’il n’est pas bétonné, n’est pas équivalent à un sol naturel, et selon l’approche fonctionnelle, peut même être considéré comme une forme d’artificialisation. Bien qu’intéressante, la création d’espaces agricoles ne représente donc pas forcément une compensation suffisante à l’urbanisation.
Pinède littorale EBC sur d’anciennes restanques Garrigue de Roustagnon Terrassement du terrain de l’ancien camping de Vallongue
• L’intérêt des espaces naturels
Le sol, ressource non renouvelable et limitée, joue un rôle essentiel pour la biodiversité dans le fonctionnement des écosystèmes.
A ce titre en particulier, le classement de certaines parcelles naturelles en EBC ne présume pas d’une qualité existante de boisement mais protège plutôt la nature du sol dans sa potentialité de boisement, dans l’espace et le temps (les arbres présents et à venir, et la biodiversité qui va avec). En effet, dans sa formulation, le classement « interdit les changements d’affectation ou les modes d’occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements ». Ainsi une parcelle peut être classée sans contenir encore aucun arbre tant qu’ils ont la possibilité d’y pousser. Un espace EBC garantit en priorité une non artificialisation des sols indépendamment de la qualité (taille ou espèces) du boisement.
Si l’on transforme des zones naturelles en réserves foncières vouées de facto à l’artificialisation, on peut craindre un impact sur la fonctionnalité des sols et l’écoulement des eaux : on augmente les risques d’inondation, d’érosion et de perte de biodiversité !
“La connaissance détaillée de l’occupation des sols est cruciale pour l’observation de l’environnement. L’artificialisation, notamment, constitue un enjeu majeur dans notre vie quotidienne. Cette transformation des sols engendre la perte de terres agricoles, la destruction et le cloisonnement des espaces naturels et des habitats.”
Source : Atlas régional de l’occupation des sols en France – Introduction
Espaces boisés et garrigues du Bois Maurin
Ce n’est pas la première fois que les espaces naturels sont concernés par les projets municipaux d’urbanisme. On se souvient de la réquisition des parcelles EBC déclassées au Bois Maurin lors de la modification simplifiée n°1. Auparavant, on avait vu la multiplication des constructions extra scolaires dans l’EBC du parc du Canet, ou encore l’aménagement d’un parking dans le parc du Capelan.
Aussi, sauf à créer une zone agricole protégée (ZAP)[3] avec la sincère intention de redévelopper une activité disparue, la création de nouvelles zones agricoles dans un secteur d’habitats diffus (Vallongue, Les Mattes, Poutier, Entrechaux) pourraient se révéler à terme n’être qu’un palier intermédiaire de transformation des espaces naturels vers un usage bâti du foncier, à long terme, au fil d’une constructibilité dérogatoire évolutive. Entre temps, les superficies ainsi requalifiées seraient le gage du respect des orientations générales du SCoT pour “la préservation du capital naturel, forestier et agricole et le maintien de leurs fonctions paysagères, écologiques et économiques”. D’habiles tableaux chiffrés pourraient justifier d’une posture de “développement durable”.
• Vers un nouveau PADD ?
Le PADD est le plan d’aménagement et de développement durable de la ville qui ne peut être modifié que dans le format d’une révision du PLU. C’est là que se dessinent les grandes lignes du développement durable local et où l’on retrouve les orientations du SCoT et ses principes d’équilibre, de renouvellement urbain, de gestion économe des sols, de mixité sociale et de préservation de l’environnement. Vraisemblablement le PADD devrait être donc revu. Il sera rempli de bonnes intentions qui n’engageront pas beaucoup, puisque le PADD n’est pas directement opposable aux demandes d’autorisation de construire.
Les orientations du PADD sont très générales et ne sont pas toujours suivies. Les dernières de 2013 qui proposaient de “Maintenir une continuité écologique entre les entités naturelles par le maintien d’espaces agricoles ou d’espaces boisés classés en zones urbaines ou à urbaniser” ou encore “Valoriser le patrimoine marin et maritime, en mettant en place un sentier sous-marin, en préservant et en améliorant le sentier du littoral” n’ont toujours pas été mises en œuvre.
Une ouverture de l’urbanisation au nord de la commune dans des zones jusqu’à présent préservées, et surtout le déclassement de zones naturelles évoqué par le conseil municipal, pourraient même constituer une rupture de la continuité écologique recherchée et contredire les ambitions de l’actuel PADD, dans son chapitre “Protection et valorisation de l’environnement” (extrait ci-dessous). Selon toute logique, il pourrait donc y avoir là des changements, puisque bien que le PADD ne soit pas contraignant, il ne doit pas y avoir d’incohérence avec le zonage !
Un développement urbain pour qui ? La définition d’un développement durable urbain à Bandol devra aussi répondre à la question sociale. Ce n’est pas tant la qualité de la construction que celle de l’habitat qui doit se poser. Construire plus n’est pas une fin en soi ; la pérennité du cadre de vie et de ses occupants est en jeu ! Avec plus de 60% de résidences secondaires dans la commune, la plus grande partie de ce qui est construit à Bandol n’est habité que quelques semaines par an ! Le déficit de foncier encore disponible rend cette question d’autant plus vive.
Nos pistes pour un urbanisme durable
Pour tous les enjeux liés au changement climatique et au maintien de la Biodiversité, la plupart des récentes politiques d’aménagement des territoires tendent vers une restriction de la consommation d’espaces. Dernier en date, le projet de loi issu de la Convention citoyenne pour le climat, présenté le 8 janvier, prévoit de diviser par 2 le rythme d’artificialisation des sols en France. Économie du foncier, stratégie en faveur de la biodiversité, et développement durable sont désormais des leitmotivs obligatoires pour les gestionnaires de la commune de Bandol. Nous présumons donc que le futur PLU l’intègrera dans sa stratégie de re-zonage.
• Objectif ZAN, une stratégie d’équilibrage
+1-1 = Zéro artificialisation nette ! Inscrit dans la loi Biodiversité de 2018, l’objectif ZAN est de plus en plus souvent évoqué concernant de nombreux enjeux du territoire : pour un développement durable des territoires, pour le maintien des zones agricoles et l’autonomie alimentaire, pour le maintien du cycle de l’eau et la ressource des nappes phréatiques, contre le risque d’inondations…
En juillet 2019, le gouvernement a réaffirmé l’objectif d’atteindre le « Zéro Artificialisation Nette » (ZAN), considérant qu’il faut aller encore plus loin en matière de lutte contre l’étalement urbain et la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers. L’affirmation de cet objectif s’inscrit dans la volonté de faire évoluer les démarches et les méthodes d’aménagement de l’espace à l’aune de la transition écologique, de la prise en compte des risques naturels, de la protection du foncier agricole et de la défense de la biodiversité.
Source : Agence d’urbanisme de l’agglomération Marseillaise https://www.agam.org/wp-content/uploads/2020/06/94-ZAN_site-1.pdf
S’inspirant directement de la démarche « éviter, réduire, compenser » (ERC) du code de l’environnement, le ZAN ne signifie pas un arrêt total de l’artificialisation des sols, mais plutôt la mise en œuvre de mécanismes visant d’abord à l’éviter, et si ce n’est pas possible, à réduire ses impacts et enfin à les compenser. Dans l’expression de « Zéro artificialisation nette », le terme “zéro” définissant l’objectif, le terme “nette” est essentiel et suppose une stratégie de compensation réelle (l’artificialisation étant à entendre comme la perte de la fonction naturelle du sol * ). « L’objectif ZAN n’est pas synonyme d’arrêt de toute forme d’artificialisation, mais implique une réduction forte de l’artificialisation “brute” et, parallèlement, la renaturation d’espaces artificialisés à l’abandon. » explique Julien FOSSE, directeur adjoint du département développement durable et numérique de France Stratégie, auteur du rapport « Objectif ZAN : quels leviers pour protéger les sols ?
* Qu’est-ce que l’artificialisation ?
en entrée de ville
(derrière la Maison des Vins)en arrière plage
(plage du Grand Vallat)en quartier pavillonaire
(Pierreplane)en sommet de colline
(programme immobilier à Vallongue)
A Bandol, on le sait, en dehors des zones naturelles, le foncier en friche disponible a quasiment disparu, et les nouvelles opérations immobilières en viennent à raser l’existant, impactant déjà le patrimoine bâti de la commune en zone urbaine. Compte tenu de la faible superficie de la commune (8,58 km2) sur un peu moins de 5 km de façade maritime, le développement du marché résidentiel condamne inévitablement le patrimoine architectural bandolais !
Cette tendance d’une urbanisation des espaces naturels ou en renouvellement des bâtis existants, revient à augmenter d’autant plus le pourcentage de surfaces artificialisées, impactant irrémédiablement la fonction des sols, car non seulement les terrains construits sont imperméabilisés mais le plus souvent, lors du terrassement, la terre de déblai est évacuée, ce qui n’est évidemment pas propice au maintien de la fonctionnalité des sols !
« 28% des espaces situés à moins de 500 mètres du trait de côte sont artificialisés » Combinée au réchauffement climatique qui augmente les risques de submersion marine, cette érosion des espaces naturels littoraux représente un défi pour les habitants et les acteurs économiques de ces territoires. Un défi encore plus important en Méditerranée, bassin qui reste la première destination touristique de la planète et dont 11% de la richesse économique émane de l’industrie du tourisme. « Il est urgent de mettre en place des stratégies permettant de freiner l’artificialisation des terres et d’en renaturer certaines lorsque c’est possible », affirmait Agnès Vince, la directrice du conservatoire du littoral, lors d’un forum pour des territoires littoraux plus résilients.
• Artificialisation si et seulement si renaturation équivalente
Partant d’un principe d’équilibrage du territoire par compensation, la mise en œuvre de la “Zéro artificialisation nette” consiste à faire en sorte qu’une ouverture à l’urbanisation soit nécessairement contre-balancée par une renaturation équivalente… Dans une commune littorale, soumise aux risques d’érosion et d’inondation, certaines zones s’imposent comme des priorités.
• Concrètement, à Bandol comment le PLU pourrait-il protéger le littoral ?
Dans la logique d’une “zéro artificialisation nette” par exemple, comme expression durable d’un équilibre urbain recherché dans le PLU, et si l’on en croit l’affirmation municipale que le projet politique de cette mandature aura pour “fer de lance” le développement durable, il faudrait donc que toute ouverture à l’urbanisation au nord de la commune, soit compensée par une désartificialisation équivalente de la bordure littorale, identifiée comme fragile et à préserver.
L’actualité règlementaire ouvre d’autres pistes d’attendues pour cette révision, telles que la délocalisation d’implantation en bord de mer et la re-spacialisation.
Lire aussi : S’adapter n’est pas un choix
Un PLU bâclé, qui ne se concentrerait que sur son potentiel de développement en terme de croissance, pourrait se révéler catastrophique (dans le sens propre où il se révèlera inefficace à limiter les catastrophes naturelles) et impacter la physionomie de la ville qui font sa richesse… A l’inverse, un PLU consciencieux a le choix parmi les nombreuses mesures capable de protéger son patrimoine existant et son bord de mer.
En conclusion
Obligée par l’évolution des règles d’urbanisme, la révision du PLU de Bandol maintes fois repoussée est devenue incontournable. La prise en compte du développement durable et du changement climatique devra être intégrer localement et pourrait bien changer la donne dans certaines façons de faire.
On devra certainement entendre parler de développement durable pendant cette révision pour les enjeux :
– d’équité sociale pour une politique de l’habitat qui ne peut se résumer à une approche touristique,
– de biodiversité
– et d’adaptation aux risques littoraux.
Si l’on considère certaines tendances, telles que les ZAN ou la re-spacialisation des zones littorales, une extension de l’urbanisation au nord de la commune serait probablement la seule alternative pour un développement urbain bandolais, partant du principe que par nécessité le bord côtier devra être soulagé de son artificialisation, voir même renaturé, à plus ou moins court terme. Un développement urbain durable devra donc repenser l’aménagement littoral et mettre l’accent sur la qualité plutôt que sur la quantité.
Avec cette révision du PLU, la municipalité va devoir se montrer convaincante d’avoir une vraie vision d’avenir pour Bandol. Nous attendons des arguments prospectifs un peu mieux étayés que le type d’affirmations simplistes et péremptoires lues dans le magazine de la Ville “Le pourcentage de surface perméable de pleine terre a augmenté et le pourcentage d’emprise au sol de constructibilité de toutes les zones U a diminué.” , argument comptable relatif aux seules mesures d’ajustement prises en modération de la disparition du COS en 2016, mais qui ne correspond en rien à la réalité du sol en 2021. La vérité de certains chiffres ne dispense pas d’une analyse transversale de l’intérêt des espaces naturels et de la capacité d’accueil géographique. Le terme de “développement durable” ne signifie pas « profiter le plus longtemps possible » mais plutôt : « faire mieux aujourd’hui pour que nos enfants profitent demain »….
Pour remédier à une carence de la compétence de développement durable à Bandol, le recrutement d’un nouveau responsable de service au Développement Durable et le recours à 3 bureaux d’études spécialisés pour accompagner la révision du PLU apporteront peut-être des compétences nouvelles, nous l’espérons, pour un résultat à la hauteur des enjeux attendus.
Les acteurs professionnels de cette nouvelle planification de l’urbanisme à Bandol seront :
PLANED pour le volet urbanistique proprement dit du PLU : http://www.planed.fr/
ECOVIA pour le volet Environnement : http://www.ecovia.fr/presentation.html
ALTEA pour un volet Aménagement touristique: https://www.altea-experts.com/
Une large consultation promise
« Si on révise le PLU c’est pour écouter ce que les gens nous disent.»
En bord de mer, on nous l’assure : « tout n’est pas figé », ça tombe bien !
On nous dit que “Ces sociétés vont permettre d’avoir un œil neuf, sur l’évolution urbanistique de la ville. La crise sanitaire fait bouger les lignes dans ce domaine vers un retour de plus proximité et de nature.“ Un postulat de nature inattendu de la part de la Municipalité, qui le justifie par la crise sanitaire (…!), et que l’on attend surtout de voir se concrétiser… Il ne suffira pas de mentionner le développement durable pour verdir le discours d’un remaniement du PLU si celui-ci se limite à permettre seulement les projets de cette mandature.
Si la crise sanitaire fait bouger quelque chose, cela pourrait bien être en premier lieu la capacité de participation du public, restreint dans ses mouvements et son expression dans le contexte actuel…
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Pour en savoir plus :
[1] Le SCoT : document d’urbanisme de rang directement supérieur au PLU, il y a obligation de compatibilité entre les orientations et les objectifs du Plan Local d’Urbanisme et ceux du SCoT Provence Méditerranée (le schéma de cohérence territorial de la région toulonnaise, de Saint-Cyr au Lavandou ), qui lui-même doit être compatible avec le Document Stratégique de Façade Méditerranée (DSF), et qui lui aussi doit répondre aux exigences de la Directive Cadre Stratégie pour le Milieu Marin européenne (DSCMM) ! Une planification du territoire en cascade du plus grand niveau au plus petit…
• A noter que 1/ notre SCoT Provence Méditerranée, déjà révisé en 2019 pour intégrer le Volet Mer & LIttoral (valant Schéma de Mise en Valeur de la Mer), est à nouveau en révision depuis janvier 2020 pour prendre en compte la loi Elan, la loi Littoral, et le SRADDET (le Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’égalité des Territoires qui été adopté en juin 2019). La révision du PLU de Bandol pourrait donc d’entrée de jeu être obsolète si elle était livrée avant le SCoT dans sa dernière version.
• A noter que 2/ en terme d’intégration des règles supérieures dans les documents de planification, il faut distinguer les notions de prise en compte, et de compatibilité de celle de conformité. Cette dernière représente le rapport normatif le plus exigeant et la plus simple : c’est l’application stricte de la règle, sans possibilité d’adaptation. Par exemple, le permis de construire doit être conforme au PLU. La notion de “compatibilité” , dans le cas SCoT/PLU, signifie plus subtilement que les documents de rang inférieur ne doivent pas remettre en cause les orientations définies par la norme supérieure.
[2] Contre l’étalement urbain, l’Allemagne commence à interdire les pavillons neufs. Certaines villes périurbaines y ont fait le choix impopulaire de la «sobriété foncière» alors que la maison individuelle est symbole de liberté, de sécurité et de prospérité.
> lire l’article de REPORTERRE : https://reporterre.net/Contre-l-etalement-urbain-l-Allemagne-commence-a-interdire-les-pavillons-neufs?fbclid=IwAR2ati4b0quCYUqv4AsLecgqdPjC3ai0-ECVq98qPFtkYBfDKwFu7g-bonY
[3] Une zone agricole protégée (ZAP) consiste en la création d’une servitude d’utilité publique appliquée à un périmètre donné, laquelle est annexée au document d’urbanisme. L’objectif est de donner aux collectivités les moyens d’agir sur leur foncier agricole. Les zones agricoles (exploitées ou non), mais aussi des parcelles boisées de faible étendue, peuvent être concernées par un projet de ZAP.
Sur les EBC :
Les dispositions de l’article L. 113-1 du code de l’urbanisme sont applicables sur les secteurs situés en espaces boisés classés. Si cet article n’interdit pas toute construction, il prohibe tout changement d’affectation ou tout mode d’occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements (CE, 19 novembre 2008, n° 297382).
https://www.gralon.net/articles/immobilier–location-vacances/liens-utiles/article-les-espaces-boises-classes—definition-et-reglementation-4318.htm
La prescription du PLU : http://www.bandol.fr/fileadmin/Nas_com/Documents_officiels/2021/01/del_2020_12_18_17_precription_revision_PLU.pdf
Et pour revoir les vidéos du conseil municipal de Bandol du 18 décembre 2020 :
1e partie : https://youtu.be/n8p5_5_bRqI
2e partie : https://www.youtube.com/watch?v=fisvM7dDBi0