Le mur qui veut nous mettre à genoux

Le promeneur engagé sur le sentier littoral devra attendre de franchir le mur pour voir réapparaitre le bleu de la mer et l’ile Rousse dans son panorama. Le “mur de la honte” dont l’autorisation avait été annulée en Août 2020 n’a pas été démoli. Il est toujours debout et obstrue toujours le paysage.

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Massif et obstiné, ce mur de clôture qui borde une zone naturelle remarquable n’est pour autant pas illégal puisqu’il a été autorisé de nouveau par les services municipaux, en Novembre 2020 dans une troisième version du document déclaratif. Manque de conviction ou habile manœuvre d’évitement contentieux*, la succession des autorisations et des modifications depuis novembre 2019 apparaît comme autant de simulacres de bonne foi et de mises en conformité du projet, mais sans jamais remettre le mur en question.

* – Une action contentieuse porte sur le document d’autorisation d’un projet et non sur le projet en lui-même. Pour un projet autorisé par plusieurs documents d’urbanisme, l’action contentieuse devra être multipliée d’autant. Un recours contentieux peut porter sur un “projet” déjà réalisé qui n’aurait pas respecté la purge des délais de recours. Et un recours contre une autorisation qui est annulée après coup devient caduque.

Le double jeu d’une triple autorisation

D’un côté il y a les faits, -un mur est apparu et le paysage a disparu-, et d’un autre côté il y a une posture administrative qui alternativement autorise, menace d’annuler, autorise à nouveau, puis annule et ré-autorise, dans un jeu d’esquive administrative, sans que réapparaisse le paysage.

Autorisé la première fois en novembre 2019, le mur avait rapidement été édifié avant la fin du délai de recours en début d’année 2020. Alors en campagne électorale, le maire avait annoncé sur les réseaux sociaux une version modificative de la clôture plus respectueuse du paysage littoral, et l’avait demandé au propriétaire des lieux sous peine de retirer sa non-opposition à la demande préalable de travaux en février 2020. S’en était suivie, une nouvelle demande pour un projet modifié, autorisée en avril 2020. Les 2 autorisations d’urbanisme ayant été respectivement attaquées devant le tribunal administratif, le maire avait annulé sa seconde autorisation au mois d’août 2020, coupant court aux poursuites auprès du Tribunal administratif. Le juge n’aura ainsi pas eu l’occasion de se prononcer sur la conformité règlementaire du document.

Bien que l’ouvrage soit déjà fini depuis février 2020, les plans de la seconde version (en avril 2020) concédaient la transparence de la partie ouest de la clôture grillagée au niveau de l’aire de retournement (partie dite “séquence B”) mais laissait le grand mur de pierre inchangé (dit “séquence A”). La troisième version sur plan comporte cette fois-ci une modification du mur lui-même (séquence A) en la création de “2 percées visuelles obliques sur la partie ouest”. Ce détail aurait pu passer inaperçu dans les 5 pages d’explications de la notice s’il n’avait été stabiloté en rose.

Extrait de la 3e déclaration préalable de travaux du 23 octobre 2020, autorisée le 20 novembre.

La seule mention de ces “percées visuelles” aura suffi pour justifier une nouvelle autorisation administrative, malgré le retrait de la précédente pour des motifs paysagers : ““ne participe pas à une bonne intégration dans le site”, “crée un impact massif et de barre donnant le sentiment d’enfermement(1)… L’instructeur y a vu probablement le compromis satisfaisant d’un paysage retrouvé et la suppression de “l’effet de barre” ! Pourtant à y regarder de plus près [ les plans, pas le mur… !], l’effet de “paysage retrouvé” est loin d’être garanti puisqu’il faudra se mettre à genoux pour le voir ! Les ouvertures promises dans le mur, outre qu’elles seraient orientées dans l’épaisseur du mur façon “meurtrières”, sont prévues à 50 cm du sol…

Des trouées au niveau des genoux apparaissent ainsi comme une concession cynique faite au panorama. L’ambiguïté persiste d’une instruction qui semble aveugle à la notion de perception et de qualité paysagère du sentier littoral (qui s’apprécie en général plus au niveau des yeux qu’à genoux).

Comme le montre ce montage-photo (en clin d’œil aux superbes œuvres de l’artiste Nicolas Lavarenne exposées sur le quai de Gaulle en 2021),
le rendu paysager des percées visuelles positionnées à hauteur de genoux (entre 50 cm et 1 m de haut) n’est -à première vue- pas convaincant.
En terme d’évasion, peut mieux faire !

Les motifs d’annulations se rapportant à l’inconstructibilité et au caractère remarquable de la zone naturelle en littoral invoqués dans les recours précédents n’ayant pour autant pas été corrigés, nous avons déposé une nouvelle requête auprès du Tribunal Administratif au mois de mars 2021.

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(1) Les arguments invoqués pour remettre en cause l’autorisation arrêté du 24 Août 2020 (ARRP2020-08 Retrait de non opposition à la déclaration préalable de travaux sont la non intégration paysagère dans le site.