Nouvelle loi Littoral : quel changement à Bandol ?

Le texte définitif sera voté définitivement demain lundi, 13 février.

La proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique a poursuivi ses aller-retours entre le Sénat, la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et le Sénat. Les enjeux sont importants pour le pays et les régions, surtout en PACA. Ici, le territoire est pris en otage entre le changement climatique qui se fait de plus en plus impactant, et une pression immobilière qui impose sa propre loi.

Concrètement ça changera quoi à Bandol ?

On serait bien tenté de répondre RIEN, puisqu’ici la loi Littoral est ignorée.

La loi Littoral ne s’applique pas à bandol

Lors de la présentation de la modification du PLU, l’adjointe aux Affaires juridiques se réjouissait de ce que le tribunal avait tranché en repoussant les arguments de fond du recours de la CEM attaquant le PLU 2013 de Bandol [minute 12 de la vidéo, seconde partie (1)].

“J’entend que le PLU de 2013 ne respecterait pas la loi Littoral. Nous avons une chance, c’est que ce point a été définitivement tranché : on [le tribunal] nous dit que ce PLU de 2013 n’est pas contraire à la loi Littoral” a-t-elle précisé.

La Confédération Environnement Méditerranée (association dont M Demory est le nouveau président depuis l’été 2016) prétendait que le PLU méconnaissait les principes de continuité d’agglomération pour la définition de ses zones à urbaniser. Pour notre élue spécialisée en droit, le rejet du tribunal de cet argument le démontrait donc : le PLU est légal au regard de la loi Littoral ! Pourtant il permet de construire partout sans distinction, bande des 100m classée en zone U, zones AU dans les collines (colle de Rène), ni aucune réserve pour les Espaces Proches du Rivage : la loi Littoral ne s’appliquerait donc pas à Bandol !

Cette affirmation qui peut paraitre étonnante s’appuie sur une somme de jurisprudences, qui depuis des années ont pris le relais du texte initial de la loi Littoral dont les contours ont toujours été jugés sujets à interprétation. L’une après l’autre, ces décisions de justice “exemplaires” ont donc fait appliquer la loi Littoral à l’envers, à partir de l’avis final du juge au lieu de considérer l’intention initiale de protéger un territoire vivant. Il y a ceux qui comprennent la loi au titre de ses intentions et ceux qui la font appliquer au pied de la lettre du droit.

Forte de cette certitude, la mairie continue donc légitimement de distribuer les permis de construire sur la commune, quelle que soit leur situation géographique par rapport au bord de mer, y compris dans la bande des 100 m (on se souvient de la résidence “Les Perles Marines” sur la plage d’Eden Roc, et bientôt le programme “O fil de l’Eau” sur la plage du Grand Vallat).

En cours, le programme “O fil de l’eau”, 3 bâtiments au bord de la plage du Grand Vallat, dans la bande des 100m.

D’ailleurs, souvent aucune distinction n’est faite entre les différents principes de la loi qui sont souvent considérés en une bouillie d’arguments confuse à souhait.

On a pu voir récemment sur BFMTV, notre maire, se tenir aux côtés du promoteur d’un lotissement récent au Capelan contre lequel nous avons déposé un recours invoquant l’effet de densification de ces constructions en “Espaces proches du rivage” (en amont direct de l’effondrement de la falaise actuellement en travaux de confortement), et se justifier en parlant de la “Bande des 100m” !? Pas de détails, on met tout dans le même sac, …puisqu’on vous dit que la loi Littoral ne s’applique pas, on ne va pas chipoter !

Grossièrement, l’argument imparable est que, à Bandol, toute la façade littorale étant déjà plus ou moins bâtie, et classée en zone U par le PLU ( U comme déjà urbanisé), les jurisprudences permettent désormais par amalgame d’extraire ces zones du champ d’application de la loi Littoral.
En matière de jurisprudences, c’est le dernier qui a parlé qui a raison, alors depuis une douzaine d’années on fait fi de l’article L. 146-4 II (2) qui s’applique indépendamment du caractère urbanisé ou non de l’espace dans lequel se situent les constructions envisagées, pour finalement ne considérer, de manière contradictoire, que la notion d’extension d’urbanisation. Et on se retrouve à ergoter sur le «renforcement significatif» ou non de la densité. Comme il y a déjà des maisons existantes et tant qu’il ne s’agit pas d’un projet démesuré de 10 étages sur 8000m2, tous les projets sont autorisés !… L’important est de rester progressif, comme nous l’a expliqué la représentante du cabinet d’urbanisme-conseil en charge de la modification du PLU.

«Tout est une question de curseur»

Lors de la présentation du projet de modification du PLU au conseil municipal auquel nous étions conviés, à nos interrogations de la prise en compte de la loi Littoral dans les évaluations de la capacité d’accueil, nous nous sommes entendus répondre que la loi Littoral n’empêchait pas la densification à Bandol ! Elle nous a expliqué que puisque tout le cordon littoral était déjà bâti, les zones U en Espace Proche du Rivage (EPR) pouvaient continuer à être construites, quitte à être densifiées malgré le cadre limitatif de la loi littoral car tout était une question de curseur, le principe étant qu’une construction à la fois ne représente pas en soi une densification ! Il s’agissait donc d’y aller de manière progressive même si effectivement au bout de 20 ans la zone EPR se retrouverait effectivement très densifiée. La considération n’est ici évidemment que celle du droit et non celle de la résilience environnementale à l’imperméabilisation des sols…

Quand la réalité climatique change la donne

De ce seul point de vue, la modification de la loi Littoral qui devrait être votée demain aura le mérite de replacer la fragilité et les enjeux de durabilité de notre littoral au centre des réflexions. Un juriste pense comme un juriste, un promoteur raisonne en terme de rentabilité. Mais nos élus ont ainsi une nouvelle chance de se ré-approprier une loi, outil incontournable de réflexion globale des territoires littoraux. La prise en compte du changement climatique de cette «mise à jour» traduit en termes juridiques des notions négligées de précarité et d’urgence pour ces zones en danger que les documents d’urbanisme devront traduire localement. Il y aura donc des changements par la force des choses légales ou naturelles.

Le changement climatique et son cortège de nuisances prévisibles ne s’encombrera pas de subtilité quant au choix des mots ou sur la position du curseur. Une zone inondée le sera ou pas. Les falaises effondrées ne se relèveront pas. Il serait donc judicieux d’en prendre toute la mesure avant…

(1) Vidéos de la présentation de la modification du PLU du 16 Septembre 2016
(2) L 121-13 à 15 selon la nouvelle codification du code de l’urbanisme.