Quai de Gaulle : nouvelle étude, nouveau délai

Finalement, le projet du quai De Gaulle nécessite une étude d’impact !

Un coup de théâtre pour ceux, nombreux, qui ne sont pas familiers des méandres  administratifs, d’autant que la mairie annonçait fièrement au mois de mai : “Le nouveau Quai de Gaulle hisse la grand’ voile ! “.

Nous avons donc cherché à mieux comprendre les modalités d’une étude d’impact environnemental (EIE) et pourquoi cette phase inattendue du projet, exigée par la préfecture, a pu surprendre.

Examen au cas par cas

Comme le précise le site municipal “il faut rappeler qu’une étude d’impact n’est pas systématique et que l’objet même de l’examen « cas par cas » est de déterminer si cette étude est nécessaire.”  En effet, certains ouvrages ou travaux importants (selon leur nature, ampleur ou localisation) qui étaient systématiquement soumis à étude d’impact relèvent désormais d’une nouvelle procédure dite au “cas par cas“. Depuis 2016, une réforme (1)  a opéré un basculement de nombreux projets de l’évaluation environnementale systématique vers l’examen au cas par cas, sur avis de l’autorité environnementale.

Donc avant cet examen préliminaire et la réponse de la DREAL à la demande d’autorisation déposée par la mairie, il ne pouvait y avoir aucune certitude quant aux besoins d’une étude d’impact. Cette étude importante nécessite un surplus de temps et d’argent ; c’est une des raisons de la réforme qui permet, grâce à cette nouvelle procédure, de simplifier et d’accélérer l’instruction de certains travaux en hiérarchisant les projets. L’examen au cas par cas concerne les projets de moindre importance, et donc a priori de moindre impact, listés dans la 3e colonne de l’annexe de l’article R. 122-2 du code de l’environnement.

Bien que cette procédure de cas par cas ait exempté de nombreux projets d’une étude d’impact, -ce qui lui a valu de vives critiques des associations de protection de l’environnement, mais aussi de certains juristes spécialisés qui y voient une régression du droit-, elle n’équivaut pour autant pas à une dispense systématique ! Ne pas en avoir inclus l’alternative dans l’échéancier d’un projet aussi ambitieux que la métamorphose de la façade du centre-ville relève d’une certaine légèreté ou d’une volonté d’aller (trop) vite.

Lancé fin 2016, le projet du quai de Gaulle avait d’abord vu son démarrage retardé une première fois de mars à septembre 2018 pour cause d’étude hydraulique, puis une seconde fois de septembre à novembre [la procédure d’examen au cas par cas induit un délai de 50 jours]. Pour une étude d’impact pertinente, et selon la logique inhérente à ce type de dossier, on peut donc s’attendre une nouvelle fois à un report du début de chantier…

Etude d’impact environnemental

L’étude d’impact est un important document à caractère scientifique et technique qui permet de connaître, à l’avance, l’impact qu’un projet est susceptible d’avoir sur l’environnement. Elle est un élément clé du dossier pour obtenir l’autorisation administrative.

Pour la majorité des projets locaux, la DREAL, sous l’autorité du préfet de région, a compétence d’autorité environnementale (2).

Pour le projet du quai De Gaulle, deux critères justifient une étude au cas par cas  selon le code de l’Environnement : la catégorie n°6, infrastructures routières (construction de routes classées dans le domaine public de la commune), et la catégorie n°19 : rejets en mer  (décrits par l’étude hydraulique).

Aurait sans doute pu (ou dû) être prise en compte, la catégorie n°39 : “travaux construction et opération d’aménagement”, relevant aussi d’un examen au cas par cas en colonne 3 : “opérations d’aménagement dont le terrain d’assiette est compris entre 5 et 10ha, ou dont la surface de plancher […] ou l’emprise au sol […] est comprise entre 10.000 et 40.000m2”. Dans le cas présent, le projet, déjà cumulard, est dans la tranche supérieure, avec une assiette globale de 30.000m2.

Quoiqu’il en soit, le cumul de plusieurs motifs de procédure au cas par cas est considéré comme un seul et même projet et donc ne nécessite qu’une seule étude.

Si la procédure au cas par cas évite donc une étude systématique, elle  peut néanmoins l’estimer nécessaire. En l’occurence, l’autorité environnementale (la DREAL) a décrété la réalisation d’une étude d’impact, sur plusieurs points du dossier jugés insuffisants :

  • la biodiversité,
  • les dispositifs de lutte contre l’ensablement et sa mise en œuvre,  
  • la gestion des eaux pluviales issues de la voiries,
  • la santé humaine et les effets du rejet des eaux pluviales en milieu marin,
  • le traitement paysager du projet,
  • le traitement des sols (perméabilité),
  • la reprise des réseaux,
  • le maintien et la modification de trois déversoirs d’eaux pluviales sur les deux plages du centre-ville.”

Les trois déversoirs évoqués là sont les interfaces terre-mer n° 9, 10 et 11 préconisés par la fameuse étude hydraulique concernant l’aménagement du quai. Cette étude prend en compte les bassins versants en amont du port, soit la colline de Vallongue et des Katikias. Mais en dépit des précautions prises par la mairie pour qu’elle soit “la plus complète possible”, elle se positionne seulement sur des données pluviométriques minimales (période retour de 10 ans), assorties d’une réserve : “Malgré le grand nombre de documents topographiques mis à disposition, il reste des zones d’incertitudes où il a été nécessaire d’extrapoler.”

Une étude conséquente

Une étude d’impact est un document qui doit comporter jusqu’à 12 rubriques, selon les caractéristiques du projet et du type d’incidences sur l’environnement. Au programme pour cette étude d’impact, on peut s’attendre à trouver :

1• un résumé non technique,
2• une description du projet : localisation, caractéristiques physiques, principales caractéristiques de la phase opérationnelle, estimation des types et quantités de résidus et d’émissions,
3• une description pertinente de l’état actuel de l’environnement et de son évolution lors de la mise en œuvre du projet,
4• une description des éléments susceptibles d’être affectés de manière notable par le projet : population, santé humaine, biodiversité, terres, sol, eau, air, climat, biens matériels, patrimoine culturel et paysage,
5• une description des incidences notables que le projet est susceptible d’avoir sur l’environnement résultant de plusieurs éléments :
– construction, existence et démolition du projet
– utilisation des ressources naturelles
– émission de polluants, bruit, vibration, lumière, chaleur, radiation, création de nuisances, élimination et valorisation des déchets
– risques pour la santé humaine, le patrimoine culturel ou l’environnement
– cumul des incidences avec d’autres projets existants ou approuvés
– incidences du projet sur le climat et vulnérabilité du projet au changement climatique
– technologies et substances utilisées,
De 6• à 10•, on retrouve enfin la séquence ERC comprenant les risques d’impact et les mesures à prendre pour les Éviter, les Réduire ou les Compenser, avec une justification de la solution choisie ainsi que les modalités de suivi et d’évaluation.

Enfin, le document final doit indiquer la dénomination et habilitation du ou des auteurs.

Une garantie de projet

Généralement, l’étude d’impact environnemental (EIE) est réalisée en début de projet afin de pouvoir éventuellement adapter les activités en fonction des résultats de l’étude et de la concertation, et permet le suivi des impacts tout au long du projet et donc d’apporter des corrections en phase de réalisation. Il peut s’agir en grande partie d’une compilation de données existantes mais qui demandent à être croisées et interprétées avec d’autres données, ponctuelles et récentes.

Si elle est bien réalisée, une EIE permet de révéler les enjeux réels et les risques en terme de durabilité et d’acceptation sociale. C’est un outil d’amélioration de la qualité des interventions et de la sécurité juridique des projets. Elle est pourtant souvent vécue comme une contrainte superflue par les maitres d’ouvrage.

Comme pour toute décision administrative, un délai de recours existe pour qui la contesterait. C’est justement ce droit de recours gracieux que la mairie de Bandol évoque dans l’article du 27 juillet 2018, “Une étude d’impact est-elle nécessaire ?”  : “Monsieur le maire va par ailleurs rencontrer la DREAL afin de s’assurer que le complément apporté suffira [… ] Cette approche permettra de limiter les éventuelles conséquences sur le calendrier initialement annoncé.”

S’il est donné suite favorablement au recours, les informations supplémentaires transmises et la nouvelle décision (présentée sous la forme d’un nouvel arrêté) seront mises à la disposition du public sur le site internet de la DREAL.

Les implications d’une étude d’impact

Si ce n’est pas le cas, “la soumission à évaluation environnementale d’un projet entraîne la mise en route d’un processus constitué de :
– la rédaction d’un rapport d’évaluation des incidences (étude d’impact) par le porteur de projet ;
– l’obligation de consultations de l’autorité décisionnaire [qui est aussi dans le cas présent l’autorité environnementale], et du public.
[…] La législation prévoit la participation du public aux décisions susceptibles d’affecter l’environnement. Ainsi, à quelques exceptions près, les projets soumis à étude d’impact doivent également faire l’objet d’une enquête publique.” (3)

Plus interactive et plus participative depuis le Grenelle de l’environnement, l’étude d’impact a évolué dans ses principes pour prendre en compte des enjeux de santé mais aussi de changement climatique et d’acceptation sociale. Le bilan de la concertation publique et l’étude d’impact devront être joints au dossier de demande d’autorisation du projet, sur lequel l’autorité environnementale rendra son avis final.

Administrativement, le dossier préparatoire du quai n’est donc pas encore bouclé, et devra même probablement considérer les effets cumulés avec les travaux prévus sur des pannes A et B à l’autre bout du port. De nouveaux délais dans le planning prévisionnels sont donc à prévoir, quasiment déjà annoncés sur le site de la mairie.

 

 

(1) Guide de la réforme :   https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-28555-evaluation-environnementale-guide-reforme.pdf

(2) Depuis 2016, la fonction d’Autorité Environnementale relève désormais d’une mission régionale d’autorité environnementale (MRAE), et non plus du préfet. Mais seuls les plans et programmes sont visés. Les projets restent sous l’autorité de la DREAL.

(3) Extrait du site de la DREAL Val de Loire : http://www.centre.developpement-durable.gouv.fr/deroulement-de-l-examen-au-cas-par-cas-a1780.html#sommaire_13