Discussion autour d’un arbre
Le grand pin de la montée St Michel va être abattu. Son sort est scellé.
A cela quantité de “bonnes raisons” invoquées (essentiellement administratives) : si jamais on se contentait d’enlever (encore) une des branches principales, l’arbre deviendrait dangereux ; la décision du conseil de copropriété est actée ; l’appel de fond a déjà été fait pour financer l’intervention ; l’autorisation d’abattage a de toute façon déjà été signée également. Depuis Juillet ! L’affaire est pliée.
Pourtant quantité de questions restent sans réponses… Même si, en effet, l’élagage d’une branche maitresse a un caractère hautement impactant sur la santé d’un pin de cette taille, la nécessité d’une telle intervention est-elle réellement justifiée ! En l’état actuel, en supposant de ne plus toucher à son intégrité, cet arbre est-il dangereux ? Si oui, pourquoi aucune “expertise” n’a-t-elle été produite ? Les recherches (infructueuses) quant à son statut protégé (suggéré par un courrier de 1974) n’ont été effectuées qu’au mois d’Octobre, à la demande de riverains opposés à l’abattage, alors qu’une autorisation avait été signée 3 mois avant : pourquoi ? Le sort de cet arbre est représentatif d’une manière de considérer le patrimoine boisé bandolais. Sans perspective, sans considération pour d’autres critères que ceux strictement administratifs, le tout présenté avec des arguments passe-partout. Qui veut abattre son chien, prétend qu’il a la rage. La gouvernance d’un territoire peut-elle se justifier par une seule conformité administrative ?
Un patrimoine
Un grand arbre est coupé en 1 journée. Il lui aura fallu 100 ans pour atteindre sa pleine maturité. Et si l’on en croit les perspectives climatiques annoncées, certaines essences d’arbres que nous connaissons ne retrouveront plus les conditions favorables de croissance (élévation des températures, imperméabilisation et érosion des sols, augmentation des maladies parasites et de la pollution…). Chaque grand arbre abattu est perdu et nous rapproche de la désertification promise. Comme toute érosion, celle du capital arboré n’est pas significative à première vue. Un arbre après l’autre est coupé pour faire place nette à la ville, aux nouveaux habitants qu’il faut accueillir. On ne s’en rend pas compte, et cela peut pourtant devenir problématique !
Les arbres ou/et la ville ?
“L’arbre en ville, c’est de la biodiversité, un régulateur thermique, un protecteur de la qualité de l’air, puits de carbone, contrôleur des eaux pluviales, agrément visuel et participant aux sentiments de bien-être des citadins , et bien d’autres choses encore.
De quoi donc le protéger des multiples agressions qui le guettent puisqu’il fait partie intégrante du quotidien et rend bien des services écologiques, psychologiques, économiques…”. Voici l’introduction d’une des nombreuses documentations (1) que l’on trouve sur les arbres en ville.
Jusqu’à peu, et surtout pour une cité balnéaire de la taille de Bandol, la présence des arbres en ville était naturelle. Aujourd’hui il faut justifier leur conservation, et invoquer les “services” qu’ils nous rendent, comme s’ils nous étaient redevables et non pas le contraire ! Délicieuse ironie de la sémantique !
C’est même une notion nouvelle qui trouve sa définition sur Wikipedia : “La notion d’arbre urbain désigne tout arbre présent en ville, qu’il y soit spontané ou introduit par l’homme.” Cet article sur Wikipedia est tellement complet sur l’utilité des arbres qu’il pourrait presque me dispenser de continuer… Pourtant l’enjeu semble assez préoccupant depuis quelques temps à Bandol…
Les arbres à Bandol
Avec des pressions immobilières et financières hors norme, notre ville se distingue par une indifférence, voire un mépris pour ces arbres qui ne rapportent a priori rien que de l’ombre et des feuilles mortes. Aussi nos arbres urbains, privés ou publics, disparaissent les uns après les autres. Bandol ne respecte plus son patrimoine arboré et cède à la soif du foncier. La ville est parsemée d’affichages de nouveaux permis de construire qui riment avec la disparition de grands arbres : pins, cyprès, cèdres, magnolias, peupliers, oliviers… Projet “Leccino” de la rue Marivaux ou projet Ciel et Mer de l’autre côté de la rue, projet “O fil de l’eau” sur la plage du grand Vallat, ou avenue du 11 Novembre les projets Ogic et Bandolia… Parfois même, comme pour le pin de la montée St Michel, ils gênent pour des motifs futiles… Alors on les déclare dangereux.
Cela peut paraitre incroyable de devoir convaincre de l’utilité des arbres. A Bandol, il y a beaucoup d’arbres en effet et ils participent grandement à l’attrait paysager de la ville. Pourtant beaucoup tombent chaque année. Les palmiers sont plus ou moins condamnés à disparaitre sous la morsure du charençon ( bien que Christian Estrosi en ait fait un des objectifs prioritaires des dernières assises régionales). Les arbres de l’allée Victor Hugo ont déjà été abattus et remplacés par des palmiers. Je rappelle que les palmiers ne sont pas des arbres, et qu’ils n’en ont pas la même contribution écologique. De même qu’un jeune arbre n’a pas le même rôle écologique qu’un arbre âgé, contrairement à ce que voudrait faire croire le gentil principe de compensation du PLU qui autorise la suppression d’un arbre de haute tige à condition de le remplacer par une essence équivalente, ce qui ne rime à rien avant un moins un demi-siècle ! Les platanes, ceux qui restent ainsi que les nouveaux de la place, sont atteints par l’oïdium et font déjà triste figure, sans compter les élagages sévères à répétition et le bétonnage de leurs pieds qui finiront bien par les achever.
“Toute taille est une agression qui fragilise l’arbre en affaiblissant son système de défense naturel et en diminuant son espérance de vie.”
A voir tous les arbres déclarés “dangereux” qu’il a fallu, faut ou faudra abattre, peut-être faudrait-il envisager de rajouter à la prochaine version du PLU un nouveau risque “Arbres urbains” !
En attendant, on mésestime l’impact affectif sur les riverains et les habitués que peut entrainer la coupe de vieux arbres, ou d’arbres-repères.
Aujourd’hui peut-on imaginer Bandol sans ces arbres ? Et pourtant… Combien seront encore debout dans seulement 5 ans ?
Un atout déterminant pour l’avenir des villes
Pendant que Bandol abandonne ses arbres, ailleurs on les redécouvre. De nouveaux enjeux émergent : “impacts du végétal sur le cadre de vie et la santé, gestion écologique des espaces verts, impacts des espaces verts sur le climat urbain, sols et recyclage de matériaux, diversification des gammes végétales et nouveaux usages urbains, participation des habitants à la planification et la gestion des espaces publics.”
“La valorisation des services « écosystémiques » de la nature en ville au regard des coûts de gestion du patrimoine végétal occupe désormais des préoccupations centrales. Si l’on sait dire combien coûte un aménagement et son entretien, il faut encore progresser sur l’évaluation scientifique de ce que les espaces verts rapportent en termes de bénéfices induits pour les habitants et la collectivité. Dans les prochaines années, ces éléments seront pourtant déterminants pour l’évaluation objective des projets dans les décisions d’aménagements de l’espace public et du cadre de vie.” (Plante & Cité, ingénierie de la nature en ville)
Un label a même été créé, le label EcoJardin lancé par l’association Plante & Cité en 2012, qui s’impose comme la référence de gestion écologique des espaces ouverts au public.
Pour l’instant, il y a peu de chance que notre ville l’obtienne !… Mais tout peut arriver, même le meilleur !
(1) De la documentation sur les arbres en ville :
• Fiches outil de l’AREHN, Agence régionale de l’environnement de Haute-Normandie : http://arehn-asso.superdoc.com/Documents/pdf/Ficheoutil/arbre_en_ville.pdf
Sites à consulter :
• http://www.plante-et-cite.fr
Une vidéo pédagogique du CEREMA (centre d’études et d’expertises sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) sur les enjeux de la nature en ville.